Ensemble pour trouver des solutions au problème d’eau dans les montagnes

Les petits paysans du Lesotho s’organisent et créent des réseaux afin de trouver ensemble des solutions pour surmonter des problèmes tels que la rareté de l’eau, la ressource principale dans les montagnes.

L’eau, le produit d’exportation qui n’atteint pas les petits paysans Basotho

Le Lesotho est le seul pays du monde qui soit entièrement situé au-dessus de 1000 mètres d’altitude. La principale ressource naturelle du pays est l’eau, qui cependant est en grande partie exportée vers l’Afrique du Sud voisine [NdT : dans le cadre du « Lesotho Highlands Water Project », le plus grand projet de transfert d’eau en Afrique, destiné à l’approvisionnement des mines sud-africaines.]. De manière ironique, la distribution irrégulière des précipitations et les sécheresses affectent les secteurs vulnérables de l’agriculture pluviale, créant une situation où des paysans pratiquant l’agriculture de subsistance ont du mal à produire suffisamment de nourriture. La sécurité alimentaire est directement liée à la rareté de l’eau disponible pour les petits paysans pour irriguer leurs champs ou élever des animaux.

Tout ceci dans un pays où la production vivrière domestique est devenue une source alimentaire de plus en plus importante pour les foyers ruraux, en raison d’une situation de pauvreté et de chômage croissants. La propagation rapide du VIH/Sida a limité la force de travail disponible dans de nombreuses familles, entraînant une productivité agricole faible et toujours décroissante au niveau national.

Les petits paysans de ce pays montagneux sont donc confrontés au défi d’augmenter leur production agricole avec pour ce faire des ressources limitées : des parcelles de faible superficie, un sol peu fertile, un approvisionnement en eau aléatoire.

Certains paysans, comme Molikuoa Tumane, le président de l’association de petits paysans Thabanene, ont opté pour l’utilisation de techniques de récolte de l’eau qui leur permettent d’irriguer leurs champs et d’augmenter leur rendement. M. Tumane est également le président d’ESAFF Lesotho, qui est en train de créer un réseau d’organisations paysannes dans le pays, pour porter leur parole et leur permettre de peser sur les processus de prise de décisions relatives aux politiques et aux pratiques qui les affectent directement – et ce aussi bien au niveau national qu’au niveau régional (Est-africain et Sud-africain).

Récolter l’eau pour combattre la rareté

La distribution de l’eau et le caractère aléatoire des précipitations constituent deux contraintes majeures pour la production agricole au Lesotho. Globalement, les précipitations que connaît le pays atteignent un niveau suffisant pour permettre une activité agricole saine et durable. Le caractère erratique de leur distribution, qui s’accompagne de pluies intenses intempestives, de sécheresses périodiques et de gels importants, représente toutefois une difficulté majeure pour la production agricole, qui s’ajoute à la dégradation des sols peu profonds qui constituent la majorité des parcelles cultivées par les petits paysans. Les versants des montagnes ne retiennent pas l’eau de pluie, de sorte que cette précieuse ressource s’écoule, causant l’érosion des sols et devenant indisponible pour l’agriculture.

Thabanene est un petit village au pied des montagnes dans le district Matafeng, au Sud du pays. Les petits paysans y constatent qu’il n’y a pas suffisamment d’eau disponible pour qu’ils puissent élever leur bétail et irriguer leurs productions maraîchères, ce qui constitue une contrainte importante pesant sur la production agricole et le revenu des familles. La région est fréquemment frappée par des sécheresses, qui entraînent l’assèchement des rivières une partie de l’année. En outre, il n’existe pas de barrages pour arrêter l’eau qui s’écoule des montagnes. Leur construction nécessiterait un niveau de financement impossible à atteindre pour cette communauté montagnarde à l’heure actuelle.

Pour toutes ces raisons, certains paysans ont opté pour la construction de leurs propres structures de collecte de l’eau en utilisant les ressources disponibles, parfois aidés en cela par des organisations qui fournissent les matériaux de construction. Il s’agit généralement de réservoirs, construits en pierres et en ciment, qui sont approvisionnés soit depuis les toits, soit en détournant l’eau qui s’écoule des montagnes le long des routes et des chemins à l’aide de canaux. L’eau ainsi récoltée est utilisée par chaque paysan pour son bétail et pour l’irrigation, de sorte qu’ils sont capables de combiner des cultures sèches comme le maïs et les pommes de terre avec une production maraîchère irriguée. Cela permet de répondre aux besoins domestiques en termes de sécurité alimentaire tout en assurant un surplus vendu sur les marchés locaux.

Sur les 22 membres de l’association des paysans de Thabanene, la moitié ont déjà installé des structures de récolte de l’eau dans leurs maisons, et l’objectif est que chacun d’entre eux dispose d’au moins une structure de ce type. L’eau potable demeure un problème, les villageois étant forcés d’acheter de l’eau issue de puits privés dans la ville la plus proche, Mafeteng. Un projet de construction de puits communaux à Thabanene existe toutefois, qui permettrait d’assurer l’approvisionnement nécessaire.

Le réseau des petits paysans du Lesotho

L’association des petits paysans de Thabanene est membre d’ESAFF-Lesotho (East and Southern Africa Small-Scale Farmers Forum), un réseau établi en 2002 à Johannesburg, Afrique du Sud. L’objectif de ce forum régional est de permettre aux petits paysans de parler d’une seule voix de sorte que leurs problèmes, leurs besoins et leurs propositions soient pris en compte dans les prises de décision au niveau national, régional et international.

La branche de l’ESAFF au Lesotho a récemment élaboré un plan d’action qui résume sa stratégie pour mobiliser les paysans et créer les bases d’un réseau de petits agriculteurs dans le pays. ESAFF-Lesotho cherche à renforcer les capacités des petits paysans, en les rendant maîtres de leur activité. Ils doivent assumer la responsabilité d’administrer leurs fonds, de sorte que ceux-ci soient dépensés dans des activités et des projets qui bénéficient directement aux paysans. L’initiative de l’association de Thabanene dans le domaine de la récolte de l’eau est un exemple d’activité menée par les paysans pour leur propre compte.

Selon leur plan d’action, et en utilisant à cette fin des subventions qu’ils viennent d’obtenir, la campagne nationale d’ESAFF-Lesotho est prévue pour démarrer en décembre 2006. L’objectif est d’inciter les paysans et les associations à créer des comités ESAFF au niveau des districts, qui constitueraient la base du réseau.

Les riches montagnes du Lesotho ont besoin d’une gestion saine

Toutes les ressources majeures du Lesotho sont situées ou proviennent des hauts plateaux. On y trouve l’eau, le bois, les pierres pour la construction, et même des diamants. Le potentiel d’utilisation et de développement d’activités autour de ces ressources est immense, mais en même temps cet environnement est extrêmement fragile. Pour cette raison, un système de gestion durable doit être mis en place, qui place l’éducation et le renforcement des capacités des communautés des montagnes au rang de première priorité.

Les activités économiques des petits paysans des montagnes devraient également être respectées et améliorées, en particulier la gestion du bétail. Il y a en effet un potentiel de production de mohair et de laine de première qualité, en plus de la viande, pourvu que les associations paysannes reçoivent une formation adéquate dans ce domaine.

Un avenir critique, mais une fenêtre d’espoir

L’avenir des petits paysans des montagnes du Lesotho se situe à un moment critique. Les vieilles générations s’inquiètent pour celles qui vont leur succéder. La jeunesse du pays est fortement frappée par la pandémie du VIH/Sida, avec environ un tiers de la population adulte séropositive.
Cet état de fait doit être pris en compte lorsque l’on réfléchit à l’avenir, puisque l’une de ses conséquences est qu’une large portion de la force de travail est en train de disparaître purement et simplement. Les paysans plus âgés comme M. Tumane se déclarent sérieusement préoccupés pour l’avenir si cette tendance se confirme, et ont du mal à prévoir ce qui va se passer.

Il y a aussi, toutefois, des raisons pour une perspective plus positive et des opportunités de développement des communautés montagnardes au Lesotho, par exemple le réseau ESAFF, qui peut renforcer les paysans et devenir un mouvement dynamique au niveau national. Cette initiative apportera une amélioration de la subsistance dans les zones rurales et, un jour, créera les conditions d’un marché commun unifié pour tous les produits des petits paysans de l’Afrique australe.

Notes

Entretien réalisé par ALMEDIO Consultants avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer dans le cadre de la rencontre régionale de l’Association des Peuples des Montagnes du Monde - APMM.

Texte original : Together to find solutions for the water problem in the mountains. Traduction : Olivier Petitjean

SOURCE
 Entretien avec Molikuoa Tumane, président de l’association des petits paysans de Thabanene et président de ESAFF-Lesotho. Thabanene Village, Mafeteng District, LESOTHO.

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