La chloration de l’eau

, par  Larbi Bouguerra

La chloration de l’eau demeure la solution la plus adaptée et la plus efficace, notamment dans les pays du Sud, pour éviter que les populations consomment des eaux contaminées, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.

L’eau contaminée et l’absence d’égouts provoquent la mort de 30 000 personnes quotidiennement. La chloration est une technique d’une extraordinaire utilité pour désinfecter l’eau – dans les pays du Sud tout au moins, à cause du coût modeste de l’opération et de sa conduite aisée. Le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) aux États-Unis n’hésite ainsi pas à classer l’eau chlorée parmi les plus grands progrès de santé publique du XXe siècle, à l’égal de la pénicilline et des vaccins. Selon cet organisme, c’est grâce au traitement au chlore que les épidémies chroniques de choléra et de dysentrie qui s’étaient abattues sur les villes américaines congestionnées des XVIIIe et XIXe siècles ont disparu.

Pourtant, il est connu depuis longtemps que lorsque le chlore agit sur une eau riche en matières humides et en composés organiques, risquent de se former des composés organiques volatiles (COV), soupçonnés de carcinogénicité, en particulier le chloroforme, considéré comme un hépatoxique. Prenant appui sur des conclusions en ce sens avancées par l’EPA, agence de protection de l’environnement des États-Unis, le gouvernement a ainsi décidé au début des années 90 de supprimer la chloration de l’eau, ce qui aurait porté un coup sévère à la santé des plus démunis, qui n’ont pas les moyens de faire bouillir l’eau de boisson, d’autant que la mesure gouvernementale est intervenue au moment où l’on avait augmenté le prix du pétrole lampant, utilisé par les plus pauvres comme combustible. En fait, sous prétexte de santé publique, les autorités n’avaient d’autre dessein que de faire faire des économies à la municipalité de Lima. Selon la revue scientifique Nature, cette décision a joué un rôle important dans la propagation de l’épidémie de choléra qui a frappé l’Amérique latine à la même époque. Aux États-Unis encore, l’eau chlorée a également été accusée de provoquer des fausses couches.

Il n’en demeure pas moins que le chlore est un désinfectant quasi parfait de l’eau, car il vient à bout des bactéries pathogènes. Il est bon marché. Sa technique est éprouvée et il sauve des millions de vie là où il est utilisé. Son emploi devrait être bien plus étendu dans les pays du Sud.

Malheureusement, dans certains cas, chlore et assainissement de l’eau ont été transformés en machines de guerre contre certains pays. À l’époque de l’embargo onusien contre le régime de Saddam Hussein, les autorités américaines se sont ainsi efforcées de faire fermer l’usine de production de chlore de Fallujah, chlore destiné au traitement de l’eau, sous prétexte que ce chlore pouvait être utilisé à des fins militaires. Or, depuis la découverte des gaz neurotoxiques (VX, sarin, Tabun), autrement plus efficaces, l’usage du chlore a été presque totalement abandonné par les militaires. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, à Cuba, l’embargo sur les médicaments et les produits chimiques de traitement de l’eau – imposé en vertu du Cuban Democracy Act de 1992 – a provoqué en 1994 une épidémie du syndrome neurologique de Guillain-Barré, complication fréquente de l’infection à Campylobacter, une bactérie des eaux non traitées.

SOURCE
 Extrait de Larbi Bouguerra, Les batailles de l’eau : pour un bien commun de l’humanité, Enjeux Planète, 2003.

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