Les centrales nucléaires empoisonnent notre eau

, par  Larbi Bouguerra

Selon un rapport de novembre 2009 « Du tritium dans l’eau du robinet », dû à la plume de Mike Buckthought et publié par le Sierra Club (la fameuse association écologiste américaine fondée à San Francisco en 1892 par John Muir), les aliments et les eaux canadiens sont contaminés par les déchets radioactifs des installations et des centrales nucléaires. Ce qui accroît les risques de cancers et de malformations congénitales. Le document souligne notamment le fait que la pollution radioactive a doublé au Canada en l’espace de dix ans. Les chiffres proviennent de la Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire qui a mesuré la pollution provenant des installations nucléaires du pays. En dépit du fait que les normes canadiennes suggèrent que les niveaux de tritium dans l’eau ne sont pas dangereux, le rapport du Sierra Club cite de nombreuses études (évaluées par des referees) - et comprenant en particulier un travail provenant du Royaume-Uni- qui démentent cette affirmation de la Commission. Le Club explique : « Une fois dans notre organisme, le tritium se fixe sur l’ADN, les lipides (graisses), les protéines et les carbohydrates (sucres) et là, il provoque des dégâts car c’est un carcinogène et un facilitateur de déformations congénitales. »

Le rapport relève que l’Union Européenne et l’Etat de Californie, par exemple, ont des normes relatives au tritium dans l’eau des centaines de fois plus fortes que celles du Canada. De même, un récent rapport du Conseil Consultatif de l’eau potable de l’Ontario suggère des plafonds bien plus stricts pour le tritium.

L’auteur du rapport du Sierra Club – qui travaille sur le changement climatique - ne voit qu’une solution pour mettre fin à cette pollution insidieuse : l’usage de formes plus durables d’énergie, et affirme : « Nous devons mettre hors d’usage l’énergie nucléaire et nous tourner vers des alternatives énergétiques plus sûres telles que l’éolien ou le solaire. »

De son côté, l’Energie Atomique du Canada (ministère) a confirmé qu’ « une libération (fuite) contrôlée » du tritium dans le fleuve Ottawa de décembre 2008 à février 2009 a effectivement eu lieu mais assure qu’aucun risque n’est à craindre pour l’environnement parce que cette manœuvre s’est faite dans le respect de la réglementation existante.

Ce qui n’empêche pas le Sierra Club de répondre que les tests faits à l’Université de Waterloo révèlent que les niveaux de tritium sont cinq fois plus élevés que dans les eaux provenant de sites où il n’y a pas d’installations nucléaires.

On rappellera ici qu’en août 2005, l’Institut pour l’Energie et la Recherche Environnementale (IEER) a révélé que l’eau aux Etats-Unis accuse des taux de plutonium-239 cent fois plus élevés que la norme autorisée.

Le plutonium-239 est un des constituants des bombes atomiques. Il appartient à la classe des radionucléides transuraniens alpha émetteurs à long durée de vie. Pour le Dr Arjun Makhijani, directeur de l’IEER, les normes étasuniennes en la matière sont obsolètes car basées sur les connaissances scientifiques des années 1950. De nombreux organismes de recherche et de protection de l’environnement demandent à l’Agence américaine de Protection de l’Environnement (EPA) de revoir « de façon urgente » ces normes et proposent que la norme combinée pour ces éléments soit établie à 0,15 picocurie par litre d’eau au lieu des 15 picocuries actuels. On sait aujourd’hui que ces radionucléides se concentrent à la surface des os et délivre des doses de radiations bien plus importantes que prévues. Les chercheurs et les écologistes critiquent fortement le Département de la Défense (DOE) des Etats-Unis qui gère les stocks de déchets radioactifs (plutonium essentiellement). Les Etats dont les ressources en eau sont menacées par ces stockages sont la Géorgie, le Nevada, le Nouveau-Mexique, l’Oregon, l’Etat de Washington, l’Idaho et la Caroline du Sud.

Autre radioélément détectable dans l’eau auquel s’intéresse la recherche : le 99m technétium- utilisé en médecine nucléaire et le technétium-99 utilisé comme inhibiteur de corrosion anodique dans les systèmes de refroidissement fermés comme dans les centrales nucléaires par exemple. C’est un élément émetteur ß (bêta), à très longue durée de vie.

Commentaire

En mars 2010, la chaîne de télévision franbco-allemande Arte a diffusé un sujet sur la présence de tritium dans l’eau sous les sites d’enfouissement (mines) des barils de déchets radioactifs en Allemagne. Pour l’heure, cette eau contaminée n’a pas rejoint les nappes phréatiques et les chercheurs ont bon espoir de la contenir, a-t-on appris au cours de cette émission. Il est clair que tous les pays qui ont de tels stockages de produits radioactifs provenant de la production d’énergie dans les centrales nucléaires, les activités militaires ou d’autres utilisations médicales ou industrielles doivent surveiller ces sites d’enfouissement pour éviter les fuites dans le milieu et notamment la contamination des ressources en eau. Surveillance d’autant plus nécessaire que le danger est souvent difficile à prévoir. Ainsi, aux Etats-Unis, il y a trois décennies, on s’est rendu compte que certains rongeurs pouvaient s’attaquer aux récipients de stockage des déchets et répandre la radioactivité, alors que l’on pensait que ces reposoirs étaient inviolables. Un rongeur – « un excrément de la terre » comme dirait le bon Jean de la Fontaine - s’est ainsi moqué de nos physico-chimistes, de nos géologues et de leurs calculs scientifiques élaborés !

Face à ces produits à longue vie (des millions d’années pour le technétium), prudence est mère de sûreté. Vitrification, enrobage, enfouissement dans les anciennes mines, retraitement suffiront-ils ?

A la découverte de la radioactivité par Henri Becquerel en 1896, confirmée par le travail de Marie Curie sur le thorium, les eaux radioactives naturelles étaient considérées comme ayant des propriétés thérapeutiques. Candeur de la nature humaine ! Les Américains sont allés jusqu’à organiser des croisières pour aller jouir de la vue du panache en champignon des explosions nucléaires sur l’île de Bikini. Aujourd’hui, après Hiroshima et Nagasaki (pour ne rien dire de Tchernobyl ou de Three Mile Island), on est devenu bien plus circonspect – pour le moins - vis-à-vis de ce phénomène et la présence de produits radioactifs dans l’eau devrait être très surveillée étant donné nos connaissances notamment sur le pouvoir pénétrant dans les tissus des radiations ionisantes.

De nombreux pays possèdent actuellement des centrales nucléaires pour la production de l’électricité – pour ne rien dire du club des puissances nucléaires (Russie, Chine, France, Etats Unis, Israël, Pakistan, Inde) - les déchets de ces installations constituent un très lourd fardeau à gérer et une menace pour l’environnement, l’eau et la vie sur terre.

Le principe de précaution invite à cesser de produire ces éléments quasi éternels (comparativement à nos vies humaines). Il est permis de rêver ? Voire !

SOURCES
 “Report says nuclear plants are poisoning our water”, publié le 20 novembre 2009 par Canada.com
 “US drinking water standard for plutonium 100X too weak, based on obsolete science”, Institute for Energy & Environmental Research, 3 août 2005.
 Matthew J. O’Hara, Scott R. Burge et Jay W. Grate, “Quantification of technetium-99 in complex groundwater matrixes…”, Analytical Chemistry, 6 janvier 2010.

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