Pour sauvegarder les eaux du Danube, les pays riverains tentent de mettre en place des accords destinés à harmoniser la gestion du fleuve

, par  CASTAGNOS Isabelle

Le bassin versant du Danube est le plus fragmenté du monde du point de vue des frontières politiques, mais des instruments de gestion commune ont été développés depuis des décennies par les pays riverains. Ces efforts se sont traduits dans les années 90 par la signature d’un traité et la création d’une institution commune chargée de protéger le fleuve, notamment du point de vue de la qualité de ses eaux.

Le Danube, dont le bassin s’étend sur une surface de 817 000 km2 d’ouest en est pour se jeter dans la mer Noire, constitue la ressource économique essentielle des pays qu’il arrose. Dix-sept États européens, parmi lesquels l’Allemagne et l’Autriche ainsi que la plupart des pays de l’ancien bloc socialiste, bordent son cours principal ou ses affluents.

Les récentes transformations géopolitiques de la région danubienne auraient pu apaiser les rivalités qui ont toujours existé entre les pays riverains, chacun revendiquant des droits sur le fleuve. Au contraire, l’effondrement des régimes communistes d’Europe centrale et orientale n’a fait qu’accentuer les sentiments nationaux et raviver les conflits ethniques, retardant ainsi la mise en oeuvre d’une politique concertée d’aménagement de l’ensemble du bassin.

Pourtant, dès 1856, le traité de Paris avait institué la Commission européenne du Danube qui garantissait la libre navigation pour tous les pays européens. Mais, en 1948, la Convention de Belgrade remplaçait la notion de « libre navigation » par celle de « navigation sous contrôle ».

Depuis une dizaine d’années, la conscience de leur indépendance et une sensibilisation accrue au problème de la pollution de l’eau ont orienté les pays riverains vers la mise en place d’une coopération régionale prenant d’abord en compte la protection du milieu naturel. La déclaration de Bucarest, en 1985, qui visait à améliorer la qualité de l’eau, puis le lancement, en 1991, d’un Programme environnemental pour le bassin du Danube financé, entre autres, par la Communauté européenne, furent les premières mesures allant dans ce sens. Par ailleurs, dans le cadre de l’Union européenne, l’Allemagne de l’Ouest et l’Autriche concluaient, en 1987, un accord pour la gestion commune des eaux.

Face aux nouvelles donnes politiques de la région, il est apparu nécessaire de réviser la Convention de Belgrade tant dans sa structure que dans sa composition, tout en ménageant les susceptibilités des États, notamment en ce qui concernait la question des minorités ethniques. Il fallait aussi prendre en considération l’instabilité politique et la diversité économique des pays concernés (faiblesse économique des pays de l’ex-bloc soviétique par rapport à l’Allemagne et l’Autriche).

Un accord de coopération pour la protection et l’usage durable du Danube a donc été signé à Sofia en 1994. Il relève de la Convention internationale sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières qui avait été signée à Helsinki en 1992 (voir le texte Vers une convention-cadre sur l’utilisation des cours d’eau à d’autres fins que la navigation). Cet accord envisage la mise en place d’une commission internationale pour la protection du Danube chargée d’établir des propositions et de faire des recommandations aux États membres qui sont tenus de l’informer régulièrement de l’application de ces recommandations. L’un des travaux de cette commission concerne la lutte contre la pollution.

Certains estiment aujourd’hui indispensable la création d’un organisme international aux pouvoirs encore plus étendus et qui serait libéré des contraintes qui ont pesé sur les commissions successives. Doté d’une réelle efficacité dépassant le simple devoir de contrôle, il serait à même de régler, voire de prévenir, les litiges entre États autant que d’assurer la gestion supranationale du bassin. Ce rôle serait de nature à infléchir les résistances nationales et inciterait les pays membres à porter leur regard au-delà de leurs frontières dans l’intérêt de toute la région comme dans leur propre intérêt. L’application des accords de Sofia devrait accélérer un processus d’harmonisation des réglementations en matière de protection des eaux, un processus qui rencontre désormais un large consensus.

SOURCE
 APPELGREN, B. ; BURCHI, S., "Quand le Danube broie du noir" in Cérès, 1995/11, 156 ; "Une convention clé", in Courrier de la planète, n° 24, septembre-octobre 1994, p. 24.

Commentaire (Olivier Petitjean, 2008)

La coopération autour du Danube s’est renforcée au cours des années grâce notamment au processus d’accession de nombreux anciens pays du bloc communiste à l’Union européenne. La Commission internationale pour la protection du Danube, issue du traité de 1994, a été mise en place en 1998. Serbie et Bosnie-Herzégovine ont depuis accédé au traité. Pour la partie du bassin versant relevant de l’Union européenne (c’est-à-dire son immense majorité), les études montrent que la qualité des eaux s’est améliorée, même si certains soucis persistent, notamment dans les pays situés le plus en aval. De 50 à 80 % des eaux du Danube atteignent l’objectif de « bon état écologique » du point de vue chimique et biologique, mais seulement 40 % du point de vue hydromorphologique. L’ancienneté des stations d’épuration dans les pays de l’Est, ainsi que les aménagements réalisés sur le fleuve en Allemagne et en Autriche, sont en cause. Les pays riverains doivent présenter en 2009 un « plan Danube » aux instances européennes.

Par ailleurs, un large plan d’action financé au niveau européen et international, qui se chiffre en milliards de dollars US, a également été lancé au début des années 2000 pour réduire l’eutrophisation du fleuve et de la Mer Noire, et semble obtenir des résultats.

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