Chili : vers une réforme "in extremis" de la loi sur l’eau ?

Alors même que les élections présidentielles du 17 janvier 2010 ont porté au pouvoir le candidat de droite, mettant fin à 20 ans de règne de la coalition de centre-gauche au pouvoir, la présidente chilienne Michelle Bachelet et son gouvernement pressaient le passage d’une réforme visant à revenir partiellement sur la dérégulation totale du secteur de l’eau qui prévalait depuis la dictature.

La gouvernance de l’eau au Chili constitue un exemple sans équivalent au niveau international par la latitude qu’elle offre aux acteurs économiques de s’approprier des droits sur l’eau et à les revendre au plus offrant (lire sur ce site Les « marchés de l’eau », au Chili et ailleurs). Parfois présenté comme un modèle de gestion rationnelle des ressources par les économistes ultra-libéraux, ce système de privatisation absolue a débouché sur des situations aberrantes ou iniques, comme dans le désert de l’Atacama où des entreprises minières ont privé les villages alentour des maigres ressources dont ils disposaient, ou dans l’extrême Sud du pays ou des entreprises hydroélectriques ont pu s’accaparer jusqu’à 90% des droits sur l’eau dans une région.

La nouvelle loi propose de renforcer et d’étendre les pouvoirs de régulation et de contrôle des autorités gouvernementales sur les achats et échanges d’eau, au nom de la protection des ressources. Pour ce faire, la nouvelle loi élève au statut constitutionnel le caractère public de l’eau sous toutes ses formes, et le droit de tout citoyen à l’eau. Une loi de ce type a déjà été adoptée dans plusieurs pays, dont l’Uruguay et la Bolivie (lire sur ce site Le droit à l’eau dans les pays du Sud).

Les intérêts agricoles et industriels ont fait part de leurs inquiétudes face à la remise en cause potentielle des droits qu’ils se sont acquis, mais tout dépendra en fait des modalités de contrôle et de mise en oeuvre qui seront effectivement mises en place pour arbitrer entre le principe des droits privés sur l’eau (qui est maintenu) et celui de l’eau comme bien commun (réaffirmé avec force, mais peut-être de manière uniquement formelle) ; or elles le seront par le nouveau gouvernement de droite.

Ces annonces avaient fait partie d’un effort de dernière minute pour redorer l’image de la coalition au pouvoir et de son candidat Eduardo Frei, qui a mis en avant la question de l’eau dans le cadre de sa campagne.

Lire les articles (en espagnol) du quotidien chilien La Nación ici (ainsi qu’ici).

Voir également ici et (surtout) ici en anglais. Voir ici en français.

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