Une équipe de chercheurs de l’Université de l’État de Caroline du Nord (NCSU) aux Etats Unis, conduite par le Dr Joël Pawlak, a découvert qu’un mélange de produits forestiers, de carapaces et de coquilles de crustacés pourrait constituer un moyen de décontaminer l’eau potable radioactive. Bien plus, ces scientifiques affirment que leur formule a d’autres applications comme le dessalement de l’eau de mer. Le mélange en question forme une mousse solide.
Le Dr Joël Pawlak, professeur associé de biomatériaux forestiers, déclare : « Comme nous l’observons actuellement au Japon, l’iode radioactif représente un des risques majeurs pour la santé car il passe aisément en solution dans l’eau potable. Comme il est, sur le plan chimique, indétectable de son homologue non radioactif, l’organisme humain ne fait pas de différence vis-à-vis de ces deux éléments. L’iode radioactif va alors s’accumuler dans la thyroïde et provoquer éventuellement un cancer. Le matériau mis au point par notre équipe se lie à l’iode dissous dans l’eau et le retient. Il peut alors être stocké sans risque pour les humains ou pour l’environnement. »
Ce nouveau matériau est un mélange d’hémicellulose (un sous-produit des végétaux) et de chitine (substance organique constituant la cuticule des arthropodes et les carapaces des crustacés réduites en poudre). Il absorbe non seulement l’eau mais il est aussi en mesure d’extraire les contaminants tel l’iode radioactif des eaux contaminées. Il est aussi en mesure d’éliminer de l’eau les métaux lourds ainsi que l’arsenic. Enfin, il est capable de dessaler l’eau de mer et de la rendre potable.
« Dans les situations difficiles comme en cas de catastrophes et de désastres, les sources d’énergie manquent. Il devient alors difficile voire impossible de dessaler l’eau pour en faire de l’eau potable. La mousse que nous avons mis au point peut alors s’avérer utile dans ces contextes sans avoir recours à une source d’électricité. Ce produit peut complètement changer la donne s’agissant de la préservation et de la fourniture des eaux potables du globe. » La mousse qui recouvre des fibres en bois est en fait utilisée comme une éponge que l’on immerge dans l’eau. Pour les applications à petites échelles, la mousse est employée un peu comme un sachet de thé. Dans le cas d’emplois à plus grandes échelles, l’eau est versée sur la mousse comme sur un filtre.
Ce travail a été conduit par le Dr Joël Pawlak et avec le Professeur Dr Richard Venditti du NCSU et financé, entre autres, par le Département Américain de l’Energie et la Fondation pour la Foresterie du NCSU. Les recherches continuent en vue de l’utilisation à grandes échelles de ce procédé.
Commentaire
L’utilisation de ce biomatériau paraît intéressante voire prometteuse dans la mesure où l’on fait appel à des produits naturels et biodégradables et donc sans faire appel à des composants chimiques de synthèse non dégradables et polluants potentiels de l’environnement. L’hémicellulose est en effet une association de polysaccharides coexistant avec la cellulose dans les parties ligneuses des végétaux, nous apprend le dictionnaire le Nouveau Petit Robert (1993), et la chitine des carapaces de crustacés ou d’insectes est, pareillement, un produit on ne peut plus naturel.
Il n’en demeure pas moins que deux remarques s’imposent : a) L’iode radioactif possède 13 isotopes – d’après l’Index Merck, 13ème édition, 1996 - dont la demi-vie va de quelques heures à quelques jours avec la notable exception du radioélément iode 129 dont la demi-vie elle, est de 15,7 millions d’années - autant dire l’éternité ! La mousse, si ce dernier radioélément est présent, va devenir elle-même émettrice pour des siècles.(Voir De l’iode radioactif partout dans les eaux des mers du Nord de l’Europe et au delà ?) ; b) Plus généralement, il est bien connu que toute technique de dépollution ne fait que transformer une substance dans un état donné à un autre. Ici, cette mousse va capter et emprisonner l’iode radioactif dissous dans l’eau (où, du reste, il a une solubilité très faible) mais elle sera, de ce fait, devenue elle-même radioactive, comme déjà dit. Se pose alors le problème de son stockage comme pour n’importe quel matériau radioactif. Il semble enfin que ce procédé, pour le moment, ne fonctionne qu’à petite échelle. Il ne saurait apparemment – en l’état actuel - résoudre les problèmes que crée le drame de la centrale de Fukushima Daiichi au Japon, centrale qui rejette des eaux riches en radioéléments divers en mer contaminant les pêcheries et la côte du fait de l’inondation des circuits de refroidissement par le tsunami.
En tout état de cause, on ne saurait cependant faire la fine bouche si cette invention fonctionne aussi pour éliminer l’arsenic des eaux potables – énorme problème de santé en Inde, au Bangladesh voire aux États-Unis - ou les métaux lourds (mercure, cadmium…) et pour dessaler l’eau de mer sans faire appel à de l’électricité, l’énergie représentant dans le dessalement par membranes semi-perméables 50% de la dépense. C’est là un énorme avantage même si, pour l’heure, on ne dit rien sur les quantités d’eau potable susceptibles d’être fournies par cette technique mise au point à la NCSU ni sur les mécanismes qui régissent son fonctionnement. Il est possible que, dès que le brevet d’invention aura été déposé, on en saura un peu plus sur ces questions.
SOURCE
– North Carolina State University in Site « WaterLink International » : "Radioactive contaminants removed from water", 18 avril 2011.