Dans les hautes Andes péruviennes, un programme de gestion et de restauration des petits bassins hydrographiques au travers d’actions de reforestation illustre les liens étroits entre la conservation de l’eau et la création d’alternatives économiques viables pour les populations locales et leurs territoires.
« Nos fils quittent la campagne pour étudier, se former, et avec l’espoir de revenir… mais la situation est si difficile qu’ils ne reviennent jamais… ». Ainsi se plaint douloureusement Juan Enrique Macedo Reynoso, représentant de la macro-région Sud de l’Arequipa du Programme national de gestion des bassins hydrographiques et de conservation des sols (Programa Nacional del manejo de Cuencas Hidrográficas y Conservación de Suelos, PRONAMACH). Aujourd’hui, au travers de ce programme, les communautés andines ont décidé de mettre en œuvre des projets de reforestation qui mobilisent les populations, avec pour objectif d’éradiquer la pauvreté rurale dans la zone Sud du pays et d’éviter la migration vers les grandes villes.
Ce programme national couvre 18 départements, 132 provinces, 935 districts et 850 micro-bassins, ce qui représente 207 335 familles en situation d’extrême pauvreté, comme le sont en particulier les populations des Hautes-Andes.
Pour les projets de reforestation, les populations se sont organisées en comités de conservation. Le PRONAMACH procure les matériaux et les outils, la communauté fournit la main d’œuvre. Certains membres se chargent de sensibiliser leur communauté : « Nous voulons du changement… les montagnes souffrent… elles sont vivantes et participent de notre culture » tout comme les autres divinités : la pachamama, l’air, l’eau, le vent et le soleil.
Le PRONAMACH œuvre dans les zones haut-andines du Pérou et, après 22 années de travail, on peut y observer les objectifs atteints. Un aspect particulièrement important de ce programme est que les aides vont directement aux communautés, sous forme d’assistance technique. « Nous voulons sentir que nous avons le droit de vivre. », dit Juan en précisant qu’il n’est pas employé du gouvernement, mais « membre de la communauté du micro-bassin Guayasamayo, district de Chiguata, département de Arequipa au Pérou ».
Dans les bassins hydrographiques, l’État perçoit une redevance pour l’utilisation de l’eau, « mais bien au-delà de ceci, nous voulons un usage efficient de la ressource hydrique ». Les communautés peuvent se prévaloir de plusieurs succès, comme la restauration de sols grâce à des andenes, des terrasses utilisées depuis des temps immémoriaux. Environ 10 000 hectares de forêts ont été replantés dans les différents micro-bassins et les différents départements.
Mais l’aspect le plus important à souligner dans ce programme est qu’il fournit à ces villages une alternative économique soutenable. Tout au long de son existence, il a permis l’émergence d’initiatives entrepreneuriales intéressantes comme l’apiculture, la gestion des ressources forestières et le développement de produits écologiques. On peut mentionner parmi ces derniers la kiwicha (une espèce d’amarante, lire http://base.d-p-h.info/fr/fiches/pr...), une céréale à forte teneur protéique, meilleure encore que celle du quinoa. Pendant 10 ans, à l’époque d’Alan García [NdT : lors du premier mandat présidentiel d’Alan García de 1986 à 1990. Il a ensuite été réélu en 2006, après la rédaction de cette fiche.], la kiwicha a été cultivée massivement, puis cette politique a pris fin, et aujourd’hui la kiwicha est produite pour la consommation interne, notamment celle des communautés. Un autre produit des Andes péruviennes, réputé pour revitaliser le système immunitaire de notre corps, est la maca, un tubercule aux propriétés curatives et dont les composants contribuent à renforcer le système immunologique, y compris face à des affections comme le Sida.
Le paysan andin a pris conscience du territoire dans lequel il vit et des possibilités que celui-ci lui offre à lui et à sa famille. De même, ceux qui vivent avec la montagne savent ce qu’ils peuvent obtenir de leurs territoires. Autrement dit, la montagne ne doit pas être conçue comme un lieu d’enfermement, d’isolation, de stagnation culturelle ; au contraire, ces populations ont recommencé à valoriser ce que l’eau, la forêt et la terre leur offrent pour améliorer leur existence. « Nous avons rencontré ici un potentiel réel pour une vie digne et pour éradiquer l’analphabétisme et la pauvreté. », déclare fièrement Juan Macedo.
Commentaire
L’aspect le plus remarquable de cette expérience est le travail réalisé pour élever l’estime de soi des paysans des Andes péruviennes. Il existe maintenant une sensibilisation plus importante qui favorise les actions à réaliser, la valorisation des produits locaux. Surtout, ces populations se sentent fières de vivre dans la montagne dès lors qu’elles ont recommencé à valoriser leur territoire.
Au début de cet entretien, Juan nous disait que l’un de ses principaux objectifs était que les fils du pays partent étudier, mais pour revenir ensuite à leurs racines et poursuivre le travail développé par les gens sur place.
Cette expérience démontre que la gestion sociale des bassins hydrographiques peut constituer une approche inclusive permettant d’articuler les aspects physiques (conservation des ressources naturelles) et les aspects économiques et culturels.
Note
Fiche originale en espagnol : Experiencias de manejo de cuencas hidrográficas en los Andes peruanos. Traduction : Olivier Petitjean.
SOURCE
– Fiche réalisée sur la base d’un entretien avec Juan Enrique Macedo Reynoso, représentant de la macro-région Sud de l’Arequipa du Programa Nacional del Manejo de Cuencas Hidrográficas y Conservación de Suelos (PRONAMACH), dans le cadre de la Rencontre mondiale des peuples de montagne, 17-22 septembre 2002, Quito, Équateur. Pour plus d’informations : 00 51 84 22 495 ou pronamachcs.aqp (at) sstar.com.pe.