Fluor dans l’eau : le retour d’un vieux débat

, par  Larbi Bouguerra

D’après une étude conduite dans les villages chinois de Wamaio et Xinhuai portant sur 512 enfants âgés de 8 à 13 ans, la présence de fluor dans l’eau abaisserait le quotient intellectuel (QI) des sujets testés. Pour les spécialistes, cette étude - une de plus - est particulièrement soignée et sérieuse au plan méthodologique. C’est ainsi qu’elle a éliminé les facteurs susceptibles de fausser les résultats comme l’exposition au plomb et la carence en iode, car ces deux éléments sont connus comme des causes possibles d’abaissement du QI. Ce travail a aussi exclu tout enfant ayant des antécédents de maladie cérébrale ou de traumatisme crânien. En outre, dans ces deux villages, la pollution au fluor – provenant de la combustion de la houille ou des activités industrielles- est inexistante.

Près de 28% des enfants vivant dans le village accusant la plus faible valeur pour le fluor peuvent être considérés comme brillants, normaux ou ayant une intelligence élevée alors que, pour celui qui exhibe une valeur plus importante pour cet élément, 15% des sujets souffrent de retard mental contre 6% seulement pour le premier village. Les auteurs de l’étude notent : « Dans ce travail, nous avons mis en évidence une relation de cause à effet significative entre la concentration de fluor dans le sérum et le QI des enfants. »

La littérature fait état de 23 autres études mettant en cause les effets du fluor sur le QI et plus d’une centaine liant chez l’animal cet élément à des atteintes cérébrales. Sur ce sujet du reste, le Conseil national américain de la recherche dans son volumineux rapport datant de 2006 « Le fluor dans l’eau potable : une revue des normes établies par l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) » avait trouvé que cette relation de cause à effet était cohérente et « plausible ».

Pour certains, cette étude devrait sonner le glas de cette pratique courante et si prisée aux Etats-Unis : l’adjonction de fluor à l’eau potable (fluoration). Et, de fait, l’EPA se propose de réduire l’exposition des enfants au fluor et veut notamment exclure des aliments le fluorure de soufre, un agent de fumigation utilisé dans les silos à grain, sur les fruits secs et sur les fèves de cacao. Des évaluations récentes faites par l’EPA suggèrent que certains enfants courent le risque de développer une fluorose dentaire, une affection qui peut conduire à une coloration des dents et à l’apparition de caries sévères. L’EPA révèle que l’exposition au fluor a augmenté au cours des dernières années. Outre l’eau, cet élément se retrouve en effet maintenant dans les aliments, certains sodas, des produits d’hygiène dentaire et buccale tels les dentifrices et les bains de bouche. En janvier 2011, aux Etats-Unis, un retournement spectaculaire s’est produit : les autorités fédérales de la santé ont annoncé, pour la première fois en 50 ans, leur intention d’appeler à une diminution de cet halogène dans l’eau potable. Dans les années 1950 cependant, on a en effet observé, suite à la fluoration, une diminution importante des caries chez les adolescents. Mais, depuis les années 1980, on constate que deux adolescents sur cinq montrent des taches suspectes sur les dents, taches qui peuvent évoluer vers la fluorose notamment chez les jeunes âgés de 12 à 15 ans. La population est aujourd’hui exposée, en effet, à de multiples sources de fluor, ce qui n’était pas le cas dans les années 1950, lorsque le gouvernement incitait à fluorer.

Commentaire

La question du fluor dans l’eau, aux Etats-Unis en particulier, est un véritable serpent de mer qui agite périodiquement toxicologues, hygiénistes, dentistes, stomatologistes et militants des causes environnementales et ce depuis les années 50.

Les recherches actuelles, comme celles faites en Chine que l’on vient de lire, vont probablement rallumer les débats sur ce bien vieux sujet : ajouter du fluor à l’eau potable ou pas. Les débats avaient été, à l’époque, particulièrement houleux et passionnés, certains allant même jusqu’à dénoncer « un pas vers le communisme », la Guerre Froide portant alors son ombre sur toutes les questions contentieuses. L’annonce faite par l’EPA le vendredi 07 janvier dernier n’est pas passée inaperçue des critiques de la fluoration (ou fluorisation) qui y ont vu un pas, cette fois, dans la bonne direction.

Certains pays du Sud ne savent que trop combien l’excès de fluor dans l’eau nuit. Cet élément, lorsque sa concentration dans l’eau de boisson est élevée, provoque une déminéralisation des os, responsable de fractures spontanées et des anomalies osseuses bien invalidantes. C’est notamment le cas en Inde, au Bangladesh et au Niger où les gens n’ont pas le choix et boivent cette eau empoisonnée car trop chargé en fluor. Dans le cas de ces pays, il ne s’agit ni d’inesthétiques taches sur les dents ni de simples caries : on est face, dans la plupart des cas, à de lourdes infirmités qui restreignent considérablement la mobilité de jeunes enfants et les condamnent à une bien triste et souvent courte vie. Les spécialistes devraient, à notre humble avis, utiliser leur savoir pour alléger ces souffrances et mettre tout en œuvre pour que ces populations disposent d’une eau potable saine. Un proverbe arabe dit : « Maudite soit la Science qui n’est pas utile aux hommes. »

SOURCES
 Mike Stobbe, “US says too much fluoride causing splotchy teeth”, Boston Globe, 7 janvier 2011
 “Fluoride in water linked to lower IQ in children”, Site de Water Link International consulté le 11 janvier 2011.
 Britt E. Erickson, “EPA acts on fluoride”, Chemical and Engineering News, vol. 89, n° 3, p. 8, 17 janvier 2011.

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