L’expérience du Comité de défense et de préservation écologique de Durango

, par  VELAZQUEZ Enrique

Les luttes des habitants de Durango dans les années 80 démontrent combien la question de l’eau et de sa pollution font partie intégrante des efforts de démocratisation et de justice sociale dans les quartiers populaires.

Dans les années soixante-dix, l’entreprise de cellulose « Centauro » - et sa technologie obsolète et très polluante - s’installait près de Durango, au Mexique. Cette implantation, s’ajoutant à la décharge des eaux usées des 50 000 habitants de la ville, provoqua, à partir des années quatre-vingt, une importante pollution du rio Tunal qui affecta gravement la vie et la production des municipalités que traverse la rivière (trois à Durango, d’autres à Nayarit). A Durango, 50 000 personnes de cinquante terrains communaux furent ainsi touchées. La pollution ne concernait pas seulement la santé des personnes, mais aussi le bétail (car la rivière représentait un abreuvoir important), l’agriculture, la pêche et les écosystèmes en général.

L’accroissement de la pollution augmenta également un mécontentement qui, finalement, au bout de dix ans, aboutit à la création du Comité de défense et de protection écologique (CDPE). En 1991, ce comité regroupe vingt-deux des terrains communaux touchés.

Au cours de l’une des premières mobilisations, la route fut bloquée pour demander l’installation de systèmes de traitement en ville et dans l’usine. Ces demandes furent acceptées, ce qui donna une forte impulsion au comité.

Par la suite, une enquête interdisciplinaire fut réalisée avec des médecins, des chimistes et des sociologues afin de déterminer les problèmes urgents en santé humaine et animale. Son objectif était que le gouvernement installe dans cette zone des cliniques spécialisées dans le traitement des maladies provoquées par la pollution. En 1991, il en existait quatre, situées en divers points de la rivière. On a également introduit l’eau potable pour éviter l’utilisation de puits contaminés et créé des “unités de production et de récupération écologique” qui avaient pour objectif initial d’établir des abreuvoirs propres.

A l’aide d’engins lourds, les sources et les rives des cours d’eau ont été régénérés (39 sources à fin 1991). La mortalité animale (y compris infantile)a été ainsi quasiment réduite à zéro. Autour de chaque réservoir, on a planté une moyenne de cent vingt arbres qui stabilisent les bords et améliorent le microclimat. Dans chaque réservoir, on a lâché environ trois mille poissons, ce qui est très important dans une région de tradition piscicole (un empoissonnement que la pollution ne permettait pas de réaliser).

Le moment étant venu de passer de l’action d’urgence à la stratégie, le comité, à partir de consultations publiques populaires réalisées dans chaque terrain communal, élabora un plan écologique de développement et de culture. Le plan présenté aux autorités et aux entreprises proposait un financement tripartite : 50 % par le gouvernement, 35 % par les entreprises, 15 % par les terrains communaux. Le comité proposa également de créer un Fideicommis social d’écologie et de développement productif régional qui permettrait une gestion transparente et la participation de l’organisation à la prise de décisions. Cette proposition fut adoptée.

La mise en oeuvre du plan écologique de développement implique beaucoup d’éléments. Nous connaissons les besoins des communautés, mais nous voulons définir une proposition globale de développement durable. Or, nous manquons d’expérience. Pour dire les choses franchement, nous manquons d’idées. Et nous cherchons l’aide de personnes qui auraient déjà fait un certain chemin dans cette direction.

Commentaire

Étant donné son ampleur, la pollution massive de l’eau provoque souvent des problèmes auxquels les communautés seules n’ont pas les moyens de répondre. Il serait certainement intéressant pour nous de connaître le processus d’organisation et de concertation réalisé par le Comité de défense et de préservation écologique de Durango. Il en va de même de la façon d’articuler le combat pour l’environnement et les nécessités de production de la zone. La forme d’organisation du comité, qu’il serait bon de mieux connaître, semble articuler les fonctions d’appui et d’expertise à une dynamique d’organisation sociale.

SOURCE
 Exposé présenté par Enrique Velazquez au séminaire "Les organisations paysannes et indigènes et la problématique environnementale du développement (Morelia, Michoacán, Mexique, décembre 1991). Texte original en espagnol, traduit par Sally Rousset (RITIMO-IRFED).

Post-scriptum (Olivier Petitjean, 2008)

L’histoire antérieure du Comité de défense et de préservation écologique (CDPE) de Durango illustre la manière dont un mouvement urbain relativement puissant (le Comité de défense populaire) a inclus la problématique de la pollution de l’eau comme un thème central de son action et, ce faisant, a noué des alliances avec les habitants des zones rurales alentour pour former ensemble le CDPE. Cette capacité de mobilisation, alliée à la bonne volonté d’une partie de l’administration, lui a permis de parvenir à des résultats tangibles. Comme d’autres mouvements d’habitants des années 80 et du début des années 90 au Mexique, le Comité de Durango n’a pas survécu comme mouvement social à la période Salinas puis à la perte de pouvoir du PRI. Un certain nombre de ses cadres sont toutefois devenus des responsables politiques locaux ou fédéraux, principalement dans le cadre du Partido dos Trabajadores (PT), un allié du PRD dont les racines se trouvent précisément dans les mouvements populaires inspirés par des militants maoïstes, comme à l’origine le Comité de Durango.

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