La gestion de l’eau en Espagne
L’État espagnol a un fonctionnement extrêmement décentralisé, son administration territoriale étant structurée en communautés autonomes. Les trois niveaux de gouvernement existant : l’État central, les communautés autonomes et les municipalités, interviennent chacun dans la gestion de l’eau. La gestion du cycle urbain de l’eau relève en général d’entreprises locales, à l’exception de quelques cas où la responsabilité échoit à des organismes publics au niveau de la communauté autonome ; c’est le cas par exemple du Canal de Isabel II, dans la commune de Madrid.
L’Espagne compte plus de 8 000 communes de taille très variable. L’approvisionnement en eau potable et les services d’égouts et d’assainissement relèvent des compétences municipales. Dans de nombreux cas, la prestation de ces services s’effectue par l’intermédiaire de regroupements intercommunaux ou de consortiums, qui permettent des économies d’échelle.
Il existe en Espagne une importante tradition historique de gestion publique de l’eau à travers des organismes de bassins (les « Confédérations hydrographiques ») et des entreprises publiques dont certaines, comme le Canal de Isabel II, sont en activité depuis plus de 150 ans. La Loi sur l’eau de 1985 validait trois principes essentiels : l’unicité de l’eau (prise en compte du cycle de l’eau), son caractère public (à travers le contrôle du domaine public hydraulique par l’État), et la planification hydrologique (Plans Hydrologiques de Bassin et Plan Hydrologique National). Pourtant, certaines eaux restent privées, comme c’est le cas des eaux en bouteille, soumises à la législation minière et qui, malgré un volume insignifiant (300 Hm3 annuels en 1994), génèrent un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 500 millions d’euros. Autre exception à signaler : les îles Canaries, où une législation spécifique à l’île permet le maintien de la propriété privée de l’eau souterraine et l’instauration d’un marché pour échanger cette eau.
En Espagne, l’enjeu de la privatisation de l’eau peut être abordé à plusieurs niveaux. D’une part, certains changements structurels impulsés par l’administration publique ont encouragé cette tendance ; ainsi de l’introduction de marchés de l’eau par le biais de la réforme de la Loi sur l’eau de 1999, de la mise des constructions hydrauliques hors du régime du droit public, ou encore de l’externalisation de tâches qui étaient habituellement assurées par les administrations de l’eau. D’autre part, le secteur privé a été favorisé pour dans la construction et la gestion des infrastructures hydrauliques destinées aux terres irrigables. En outre, on a aussi commencé à privatiser la gestion de l’approvisionnement en eau et l’assainissement de certaines villes. Et, pour finir, la logique de privatisation a fini par s’étendre à la gestion des grandes infrastructures hydrauliques (barrages de régulation et de stockage, canalisations et pompes, etc.).
Les systèmes d’eau et d’assainissement des villes ont généralement constitué, par le passé, la cible principale des tentatives de privatisation. Si l’on se réfère aux données de la dernière « Enquête Nationale sur l’eau et l’assainissement » réalisée par l’AEAS (2002), les revenus générés par ce secteur représentaient environ 3 milliards d’euros facturés aux usagers. Entre 1998 à 2002, la part de la population desservie par des entreprises privées a augmenté de 8% dans ce secteur, passant de 32 à 40% (la part des entreprises publiques passait pendant ce temps de 49 à 42%).
On peut synthétiser ainsi les principales caractéristiques du secteur privé de l’eau en Espagne :
– Deux grands groupes multi-services, Aguas de Barcelona (AGBAR) et Fomento de Construcciones Contratas (FCC), caractérisés par une politique expansionniste et une forte projection à l’international - notamment en Amérique latine - contrôlent à eux seuls 80% du marché de la gestion privée de l’eau en Espagne.
– Ces entreprises ont un pouvoir et une capacité de pression importants, qui influent sur les règles de la libre concurrence et affectent la neutralité et la rigueur des adjudications.
– Il s’avère difficile d’assurer un contrôle public effectif du fonctionnement, de la qualité de service et du respect des termes du contrat.
– On constate une augmentation importante des tarifs, du fait qu’ils doivent désormais couvrir non seulement les bénéfices de l’entreprise privée, mais aussi l’amortissement des redevances de plusieurs millions versées aux municipalités dans le cadre de l’attribution des marchés publics.
– Les ressources humaines sont insuffisantes, de même que la régulation des relations de travail dans le secteur de l’eau (conventions collectives, représentation syndicale, etc.).
– Il est impossible de mettre en place des procédures de participation et de contrôle citoyen dans la gestion de l’eau, et difficile pour les citoyens d’arriver même à faire prendre en compte leurs réclamations individuelles.
Agbar est devenue une multinationale multi-services avec l’aide de Suez-Lyonnaise des Eaux (qui détenait une participation de 30% dans cette société [1]), diversifiant ses activités pour offrir une gamme étendue de services (eau, environnement, assurance santé, nettoyage, services automobiles, construction, etc.). Son portefeuille d’investissements dans le secteur de l’eau est 50% plus important à l’international qu’en Espagne.
FCC détient 28% de Veolia Water (anciennement Vivendi), et, ayant diversifié ses activités, est maintenant présente dans les domaines de l’eau, de l’environnement, du nettoyage, de l’immobilier et de la construction. Toutes ses sociétés de gestion de l’eau et de l’assainissement ont été regroupées sous le nom Aqualia.
Ces deux groupes ont des participations croisées, ce qui les place en situation de monopole sur le marché. Agbar et FCC détiennent ainsi 50% chacune des entreprises Searsa et Aguas Filtradas.
Il faut souligner qu’aucun des cas de privatisations en Espagne analysés par l’Observatoire des services publics de la ERL-UCM (Escuala de Relaciones Laborales – Université Complutense de Madrid) n’est apparu lié à des critères d’efficacité, mais bien au contraire à une volonté politique de faire entrer les entreprises privées dans le domaine de la gestion de l’eau et/ou de s’assurer un financement extrabudgétaire par le biais des redevances que paient les entreprises lorsqu’elles obtiennent ces concessions. Il existe des services publics bien gérés, comme le Canal de Isabel II (Madrid), Saragosse, Consorcio del Gran Bilbao, EMASESA (Séville), EMACSA (Cordoue), EMAYA (Palma de Majorque), Aguas de Gijón, Aguas de Santa Cruz de Tenerife, etc. Ces sociétés comptent parmi les plus efficaces et les plus efficientes du secteur, et jouissent d’une bonne image chez les citoyens ; certaines d’entre elles n’en sont pas moins victimes d’une pression constante à la privatisation. Le mauvais fonctionnement de certaines autres entreprises ou services municipaux est dû, en général, au manque de volonté politique ou à l’incompétence d’un grand nombre de responsables, incapables d’analyser les problèmes qui affectent les services d’eau et d’identifier les solutions publiques opérationnelles et organisationnelles pour remédier à chaque problème en particulier.
Il existe en Espagne de bons exemples de gestion publique du cycle urbain de l’eau, qui restent peu connus, mais pourraient être appliqués ailleurs. C’est le cas de Cordoue, une ville qui a mis en oeuvre un modèle participatif de gestion publique municipale incarné par l’entreprise gestionnaire, l’Empresa Municipal de Aguas de Córdoba (EMACSA). Ce caractère participatif et l’existence d’une réelle volonté politique ont été les facteurs déterminants pour obtenir un service des eaux de haute qualité plaçant les citoyens au cœur de sa mission.
Gestion de l’eau à Cordoue : la création d’EMACSA [2]
Cordoue, capitale de la province homonyme, fait partie de la Communauté autonome d’Andalousie. Elle comptait en 2001 316 528 habitants, pour un territoire de 1253 km2 et une densité de 245 hab./km2. Le Guadalquivir traverse la ville d’Est en Ouest et la divise en deux zones quasi symétriques. Le climat qui y règne est hautement contrasté et pourrait être qualifié de continental, avec des températures descendant en dessous de 0°C en hiver et pouvant s’élever en été jusqu’à 45°C.
Cordoue a plus de 20 siècles d’histoire. Durant l’Empire romain, la ville était la capitale de la province de Bétique et, au Xe siècle, celle du califat de Cordoue lorsque celui-ci connut son apogée, atteignant le million d’habitants. Son centre historique et culturel a été déclaré Patrimoine mondial de l’humanité, ce qui signifie que les travaux d’entretien ou de réparation, ainsi que le développement de nouveaux réseaux d’eau et d’assainissement, doivent être réalisés avec des contraintes spécifiques, sans altérer l’environnement urbain, et de façon extrêmement rapide.
Même si les Romains et les Musulmans réalisèrent d’importants aménagements hydrauliques pour transporter l’eau depuis les montagnes alentour, il suffit pour le propos de ce chapitre de rappeler trois principaux événements ayant marqué l’histoire de l’eau à Cordoue. Le premier a eu lieu en 1891, année de création de la compagnie Aguas Potables de Córdoba, et date à laquelle fut également conçu le premier projet de réseau d’eau urbain de Cordoue. En 1930 commencèrent les travaux de construction du barrage de Guadalmellato, principale source d’approvisionnement de Cordoue. En 1938, la municipalité fit l’acquisition d’Aguas Potables de Córdoba, et l’approvisionnement devint ainsi un service public municipal, appelé « Service municipal de l’eau potable de Cordoue ». Les déficiences de ce service devinrent néanmoins rapidement évidentes, et nuisaient au développement urbain de la ville. La situation connut une amélioration significative en 1955 avec la construction de la station de traitement des eaux de Villa Azul. Ce fut à ce moment que Cordoue jouit enfin d’un service des eaux de qualité. Une extension du barrage de Guadalmellato fut réalisée peu après, en 1960, et la connexion à la station de Villa Azul assurée en 1964.
En 1969 eut lieu le second événement marquant : le service des eaux devint une entreprise publique, EMACSA, faisant de Cordoue une des premières municipalités espagnoles à créer un organisme autonome dédié à la gestion de l’eau. Celui-ci fut constitué juridiquement sous la forme d’une entreprise publique, une décision stratégique judicieuse qui devait donner les moyens à l’entreprise de faire face aux importants défis à relever pour rénover et moderniser le service, mais aussi parce que c’était le cadre adéquat pour permettre ensuite le développement de mécanismes de participation et de transparence.
En 1979, après les premières élections démocratiques, qui virent le triomphe des candidats de gauche, a lieu un troisième événement marquant, peut-être le plus important. EMACSA mit en place un modèle participatif qui permet aux représentants de la société civile, aux syndicats et aux partis politiques de l’opposition de prendre part aux prises de décisions de la société. Cette participation, qui s’est trouvée consolidée au cours des années, a été un élément essentiel de garantie de l’efficacité de la gestion, tant au niveau financier qu’au niveau social et environnemental.
Le succès de cette démarche est sans doute dû à la conjonction de plusieurs facteurs : la force du mouvement associatif ; le poids important, à Cordoue, de la gauche alternative, qui a placé au coeur de son projet politique la défense des droits civiques et la participation citoyenne ; et la détermination immuable des municipalités qui se sont succédées, toutes de gauche de 1979 jusqu’à nos jours, à l’exception de la période 1995-1999, au cours de laquelle le Parti Populaire était au pouvoir. Même pendant cette période, au cours de laquelle ont circulé des rumeurs concernant une possible privatisation d’EMACSA, la droite n’a pas osé supprimer le modèle participatif de gestion.
Les mécanismes de participation au sein d’EMACSA
Il faut tout d’abord signaler que les mécanismes participatifs en vigueur au sein d’EMACSA sont similaires à ceux de toutes les entreprises publiques appartenant la municipalité de Cordoue, et répondent à la volonté, partagée promue par l’ensemble des équipes qui se sont succédé à la municipalité, d’encourager la participation des citoyens à la gestion publique. C’est dans cette optique qu’a été promulgué en 1981 le « Règlement de la participation citoyenne » (l’un des premiers d’Espagne) et qu’un département chargé de la participation citoyenne fut créé au sein de l’administration municipale.
EMACSA a la structure d’une société anonyme (assemblée générale des actionnaires, conseil d’administration, président et directeur général), qui est détenue à 100% par la municipalité. La participation est directement à l’oeuvre au niveau du conseil d’administration, le plus important organe de direction de la société. Sa composition pluraliste implique en effet que le ou les groupes politiques majoritaires du Conseil municipal renoncent de fait à transposer cette majorité au Conseil d’administration de l’entreprise d’eau.
Le Conseil d’administration se compose actuellement comme suit :
– Avec droit de parole et droit de vote : 2 conseillers élus sur proposition de chacun des trois groupes politiques représentés dans la municipalité (IU, PP et PSOE), 2 conseillers élus sur proposition de chacun des deux syndicats majoritaires (CC.OO. et UGT) et 1 conseiller supplémentaire nommé par des mouvements de la société civile.
– Avec droit de parole mais pas de vote : le directeur général d’EMACSA, le Secrétaire général de la mairie et le Contrôleur de gestion municipal.
Ce système fonde un mécanisme de participation garantissant une prise de décisions partagée entre les différents représentants qui participent au Conseil d’administration. Celui-ci prend les décisions relatives à la formulation, à l’élaboration, à l’exécution et au contrôle du budget de l’entreprise. L’information est entièrement accessible aux membres du Conseil d’administration, et également à disposition des citoyens par différents biais (page web, bulletins d’information, etc.). La représentation des groupes politiques est paritaire et n’est pas liée aux résultats électoraux. La représentation syndicale est décidée au niveau des fédérations provinciales et non par les sections syndicales de l’entreprise, et traduit ainsi les intérêts de l’ensemble des travailleurs de Cordoue. Le représentant de la société civile est élu par des associations de quartier et autres associations citoyennes (écologistes, de consommateurs, de femmes au foyer, etc.). Ce type d’organisations a une longue tradition et une implantation ancienne à Cordoue, où les seules associations de quartier comptent 40 000 membres (13% de l’ensemble de la population).
La participation – avec droit à la parole, mais sans droit de vote – du Secrétaire général de la mairie et du contrôleur de gestion municipal au Conseil d’administration dote ce dernier d’une assistance légale et comptable qui garantit le respect de la loi et une reddition de comptes responsable.
Les Conseillers sont nommés pour quatre ans et ne peuvent être démis de leurs fonctions, sauf s’ils démissionnent, ce qui donne à leur action stabilité et indépendance. Leur rétribution étant inférieure à 200 euros par séance (à titre d’indemnités), leurs décisions ne sont pas motivées par un intérêt économique.
Grâce à ce mécanisme de participation, le ou les partis au pouvoir à la municipalité ne peuvent avoir seuls la majorité au Conseil d’administration et ne peuvent donc « imposer » aucune décision.
Le Conseil d’administration est animé par une volonté de recherche de consensus dans la prise de décisions, surtout lorsqu’il s’agit de décisions stratégiques. Il devient ainsi un véritable forum de discussion et de recherche de solutions prenant en compte les intérêts de toutes les personnes concernées. Il a également constitué un instrument très utile, lorsqu’il a fallu adopter des mesures affectant différents groupes aux intérêts contradictoires, pour identifier des solutions imaginatives susceptibles de recueillir l’assentiment de tous.
Le poste de directeur général, déterminant pour la gestion opérationnelle de l’entreprise, a été systématiquement attribué à un professionnel du secteur, la question de la compétence l’emportant ainsi sur toute éventuelle connivence idéologique avec le ou les groupes majoritaires de la municipalité.
Adapter EMACSA aux nouvelles exigences sociales, réglementaires et environnementales
À partir de 1980, EMACSA a mis en œuvre un processus de modernisation qui lui a permis d’améliorer sa qualité de service tout en s’adaptant aux nouvelles exigences sociales et environnementales, ce qui lui a permis de devenir l’une des entreprises les plus prestigieuses du secteur de l’eau. Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer ces améliorations.
Il faut signaler en premier lieu que les habitants et tous les différents secteurs de la société ont une bonne opinion d’EMACSA, ce que confirme également le nombre peu élevé de réclamations (0,009 par raccordement par année). Le fonctionnement de l’entreprise a été sensiblement amélioré en particulier en ce qui concerne la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable, la qualité de service, le respect de l’environnement et l’attention accordée aux demandes des usagers.
Pour éviter les problèmes qui surgissent habituellement pendant les périodes de sécheresse, les infrastructures de captage et de stockage ont été perfectionnées et augmentées. Pendant la grande sécheresse de 1995, Cordoue a ainsi été la seule ville d’Andalousie à ne pas connaître de restrictions de consommation d’eau. En outre, des politiques d’incitation à la diminution de la consommation ont été menées par le biais de campagnes de sensibilisation citoyenne, l’installation de compteurs (présents sur 100 % des raccordements), et la diminution des fuites sur le réseau à travers un plan pluriannuel de rénovation des canalisations à un taux annuel d’entre 3 et 4%. Ces différents progrès ont permis de réduire les pertes du réseau de 15% et de ramener la quantité d’eau potable consommée à Cordoue à 250 litres par jour et par personne.
La qualité de l’eau potable est à présent excellente et a été obtenue grâce aux meilleures technologies disponibles et à l’adoption de mécanismes rigoureux de contrôle qualité. En 1999, EMACSA mit en place un système de gestion de la qualité basé sur la norme ISO 9000 et, en 2004, un système de gestion environnementale basé sur la norme ISO 140001. En l’an 2000 a été construit un nouveau laboratoire de contrôle qualité, dans lequel pouvaient être réalisés tous les contrôles et analyses requis par les réglementations européennes.
L’EMACSA a consacré une part importante de son activité à l’amélioration de l’environnement hydrique. Parmi ses réalisations, on peut signaler :
– La mise en service, en 1991, de la station d’épuration des eaux usées de La Golondrina. À l’heure actuelle, l’assainissement et l’épuration présentent un taux de couverture de 100%.
– La mise en oeuvre d’une politique palliative concernant la pollution générée par les rejets industriels dans les égouts ou le Guadalquivir. En 1996, EMACSA décida de traiter les eaux usées d’une vaste usine de levure dans la station de La Golondrina, ce qui impliquait la construction d’une unité spécifique de traitement anaérobique. Cette mesure permit à l’usine de rester ouverte et donc de sauver 200 emplois directs et 200 emplois indirects.
– L’amélioration de l’état écologique du Guadalquivir au niveau de la ville de Cordoue, en collaboration avec la Confédération Hydrographique, avec la consolidation des berges par une nouvelle végétation et la réhabilitation de ponts et de moulins historiques.
Au niveau social, on peut souligner les éléments suivants :
– Le tarif raisonnable de l’eau (une moyenne de 0,84 €/m3), qui couvre l’intégralité des coûts du service.
– Un taux couverture de 100%.
– La mise en place d’une Charte des droits des usagers.
– L’engagement de la municipalité à maintenir un approvisionnement minimum en cas d’impayé dans les cas où le manque de solvabilité de l’usager est établi.
– Le maintien d’un personnel suffisant et qualifié de 214 employés, ainsi que l’une des meilleures conventions collectives de la province de Cordoue.
– La collaboration de l’Université pour le financement de projets de R&D dans le domaine de l’eau.
– Enfin, les actions éducatives concernant les économies d’eau et le cycle urbain, menées auprès des écoliers de la ville.
Conclusions
L’exemple de la gestion du cycle urbain de l’eau à Cordoue par une entreprise publique intégrant une participation citoyenne prouve qu’il existe des mécanismes publics permettant de fournir un service de qualité de manière plus efficace que le privé. Il démontre également qu’un service de qualité n’est pas incompatible avec des tarifs raisonnables et de bonnes conditions de travail pour les employés de l’entreprise.
Ce modèle a démontré son efficacité opérationnelle tout au long de la période démocratique depuis la fin de la dictature (près de trente années) en combinant une approche basée sur le souci de la viabilité technique et financière avec des critères de caractère social et environnemental. Les situations de conflits d’intérêts sont mieux gérées, comme le montre l’exemple de l’usine de levure, lorsqu’il s’agit d’une entreprise publique à même de mesure et comparer les coûts et les avantages sociaux grâce à ses dispositifs participatifs.
L’intégration de l’Espagne à la Communauté européenne a également constitué un facteur positif permettant aux municipalités de trouver des fonds pour financer les infrastructures de gestion de l’eau en milieu urbain. La qualité de sa gestion a d’ailleurs constitué pour Cordoue un argument de poids au moment d’effectuer des demandes de fonds auprès de l’Union européenne.
Le développement de ce modèle a rencontré quelques obstacles, le plus important d’entre eux étant peut-être la généralisation des processus de privatisation et la pression des entreprises privées du secteur pour favoriser la privatisation, sous toutes ses formes.
On peut en revanche rappeler certains des éléments, déjà évoqués ci-dessus, qui ont favorisé l’émergence et la consolidation de ce modèle :
– La tradition associative qui existe depuis longtemps dans la ville de Cordoue, même sous la dictature de Franco.
– La forte implantation des partis de gauche qui, depuis 1979, reçoivent le soutien majoritaire des habitants de Cordoue.
– Il faut également saluer l’action de Julio Anguita, premier maire démocratique de Cordoue, lequel a donné à l’initiative son élan initial. Dès le début, Anguita et son équipe municipal ont cru au potentiel transformateur de la participation populaire à la gestion publique.
Pour finir, nous souhaiterions souligner que les caractéristiques exemplaires de ce modèle de gestion pourraient servir à d’autres villes. La discussion et la diffusion des bonnes expériences de gestion dans le domaine des services publics de l’eau doivent constituer un objectif prioritaire si nous voulons renforcer le secteur public. Pour cela, il faudrait établir un réseau international qui permette le développement de mécanismes de partenariat public-public favorisant l’échange, tant au niveau des connaissances, des normes de gestion, des mécanismes de transparence et de participation, que pour la défense du secteur public dans un monde dans lequel les groupes industriels privés exercent un lobbying important au niveau international.
Cet article a été publié pour la première fois en novembre 2005, dans l’édition espagnole de ‘Reclaiming Public Water’.
Références
– Divers auteurs (2005) Lo público y lo privado en la gestión del agua. Ediciones del Oriente y del Mediterránéo
– Observatoire des Services Publics. www.ucm.es/info/odsp
– Arrojo, P. (1999) El valor económico del agua. Revista d’afers internacionals, núm. 45-46
– Sanz, A (1998) Las privatizaciones. Algunos aspectos generales Cuadernos de Relaciones Laborales, núm. 13
– Ortega, E (2002) La privatización del agua. Jornadas sobre los servicios públicos organizadas por UNED y CC.OO.
– Shipman, A (1999) The market revolution and its limits : a price for everything. Routledge, Londres
– AEAS. Enquête 2002. http://www.aeas.es/