Le casse-tête de l’eau dans les grandes villes africaines

Assurer l’accès à l’eau est un problème majeur dans de nombreuses capitales de l’Afrique subsaharienne. Ce mois de mars a été marqué par des coupures et des pénurie dans plusieurs pays. En cause : le manque de moyens financiers et techniques, l’état des infrastructures, la mauvaise gouvernance... Le tout sur fond de présence intéressée des institutions financières internationales et des grandes multinationales de l’eau.

photo Peter J. Bury, creative commons

Au Cameroun, dont les villes connaissent une pénurie d’eau depuis de nombreux mois déjà (lire Pénurie d’eau dans les villes camerounaises), la diète des finances publiques imposée par la crise économique et le FMI, associée à une corruption omniprésente dans le cadre d’un système bancal où cohabitent une société publique en charge des réseaux et une privée en charge de la distribution, ont contribué à laisser la situation se pourrir pendant vingt ans. Non seulement l’eau ne vient pas mais elle est de qualité insuffisante (lire ici et ici des synthèses sur la situation).

On peut lire ici un article sur le commerce - évidemment florissant - de l’eau en sachet à Douala, qui s’appuie sur des messages marketing qui n’ont rien à envier à l’industrie de l’eau en bouteille.

En Côte d’Ivoire, Abidjan est également sous la menace d’une pénurie de longue durée, en raison de l’urbanisation sauvage qui a gagné les zones traditionnelles de forage et de pompage dont dépend l’approvisionnement de la ville. Cela pose des problèmes aussi bien de fonctionnement des installations que de qualité de l’eau (lire ici et ici).

Comme il semble par ailleurs que les équipements existants ne permettent pas de pomper suffisamment d’eau pour la population (lire ici), on peut toutefois se demander si les autorités n’exagèrent pas le problème pour se dédouaner de leurs propres manquements en faisant reposer la responsabilité sur les populations pauvres.

Au Mali, le problème crucial est le manque des moyens financiers nécessaires pour développer les infrastructures et les équipements de traitement nécessaires pour tenir le rythme de l’accroissement démographique de Bamako (plus 100 000 habitants chaque année). En conséquence de quoi l’eau - théoriquement en quantité suffisante puisqu’elle provient du fleuve Niger - n’arrive pas (ou peu) dans les quartiers les plus périphériques. Les bailleurs de fonds en profitent pour imposer des réformes institutionnelles à la compagnie nationale de l’eau. Lire ici et ici.

Le Gabon, où la service de l’eau est avec l’électricité propriété du groupe Veolia, a connu pour sa part un véritable mouvement social de consommateurs, qui ont organisé une grève de la faim pour protester contre les manquements de l’opérateur privé (lire ici).

Les quartiers pauvres de la capitale Libreville sont comme d’habitude les plus mal desservis, sujets à des coupures longues et récurrentes (lire ici).

Fin 2009, le gouvernement gabonais avait lui-même mis Veolia en demeure de respecter ses engagements, faute de quoi la concession de 20 ans conclue en 1997 serait annulée.

Le président Ali Bongo, élu pour prendre la suite de son père dans des conditions contestées en 2009, a affirmé vouloir résoudre les problèmes de pénurie en deux ans.

Le Burkina Faso a annoncé qu’il renonçait à la privatisation des services de l’eau et de l’électricité, demandée par le FMI et que le gouvernement avait accepté dans un premier temps (lire ici et ici une analyse plus détaillée en anglais). Le gouvernement, réticent depuis le départ, a cédé à la pression des syndicats et de l’opinion publique et a assuré que les compagnies de l’eau et de l’électricité seraient gérées "comme des compagnies privées".

Sur les enjeux de l’approvisionnement en eau de Ouagadougou et les projets en cours, on peut lire un entretien détaillé avec le directeur de l’ONEA (Office national de l’eau et de l’assainissement), la compagnie publique de l’eau ainsi sauvée de la privatisation.

Le gouvernement du Sénégal, au contraire, semble bien décider à mener à bien son projet de privatisation du service de l’eau, malgré les craintes des syndicats et des consommateurs.

Au Congo-Kinshasa, la Regideso (Régie de Distribution de l’Eau), entreprise publique de l’eau, a réussi à remettre en état une partie de ses infrastructures grâce à une financement de la Banque mondiale - mais c’est encore insuffisant puisque la capacité de production ne correspond qu’à deux tiers des besoins journaliers de Kinshasa (lire ici et déjà Les difficultés de l’approvisionnement en eau dans deux capitales africaines : Harare et Kinshasa).

Au Ghana, l’ONG GrassRootsAfrica dénonce également la pénurie qui règne, notamment dans les grandes villes, et accuse le manque d’investissements du gouvernement dans le secteur, qui explique les problèmes constatés et prépare une privatisation rampante en habituant la population à recourir à des prestataires privés pour son approvisionnement (lire ici et ici). Le ministre de l’eau nouvellement installé a promis de régler la question de l’eau "en 100 jours"...

Au Congo-Brazzaville également, la Société nationale de distribution d’eau (SNDE) ne parvient plus assurer l’approvisionnement en eau de nombreux quartiers de Brazzaville. Dans d’autres endroits, l’eau ne coule au robinet qu’à partir de deux heures du matin... Et ce bien que le pays soit l’un des mieux lotis de la région en termes de disponibilité théorique de l’eau.Le prix du bidon d’eau a flambé en conséquence.

La SNDE est une entité publique que la Banque mondiale essaie à nouveau, après une première expérience de privatisation ratée au début des années 2000, de faire passer sous le régime du "partenariat public-privé" (cf. par exemple ici).

On peut aussi consulter un article récent publié par IPS sur les difficultés d’accès à l’eau à Antananarivo, capitale de Madagascar.

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Et rappelons pour finir que le monde rural africain n’est pas mieux loti en termes d’accès à l’eau pour la consommation humaine et pour la production agricole. Lire En Afrique, l’agriculture et le pastoralisme face au climat et, sur la sécheresse qui sévit actuellement en Afrique de l’Ouest, ici.

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