Plusieurs décennies d’effervescence développementiste l’ont prouvé : garantir l’accès durable à l’eau ne se résume pas à creuser des puits ou installer des bornes fontaines. Construire un service de l’eau, en adéquation avec des demandes réellement formulées par les populations, est un puzzle complexe qui requiert de la volonté politique.
1970. Le développement durable se met en marche et dans les associations on rêve d’un monde meilleur. Dans le domaine de l’accès à l’eau potable, on se passionne pour les puits et autres forages. Une priorité – bien comprise de tous – ressort, simple et claire : mettons cette ressource à la disposition des populations qui en sont privées, et le tour est joué. Emplies d’espoir et d’une motivation sans frontières, associations et populations locales – plus ou moins impliquées – s’attellent à la tâche. Puits et forages voient le jour, avec leur lot de bornes fontaines, au plus grand bénéfice de tous : l’eau potable est enfin accessible. Certes oui, mais pour combien de temps ? Les modes de gestion villageoise mis en place ne clarifient pas toujours la répartition des rôles, pas plus que la responsabilité des acteurs. En cas de panne, nul ne sait qui appeler, qui doit réparer. De plus, le principe de l’eau payante, qui semblait une excellente idée sur le papier, devient un casse-tête dès lors qu’une facture doit être envoyée au cousin ou au voisin.
Devant ces forages en panne, il faut se rendre à l’évidence : garantir l’accès durable à l’eau ne se résume pas à la construction d’infrastructures. L’entretien, la maintenance et l’organisation de la gestion des ouvrages sont autant de points clés d’une stratégie pérenne. Prendre en compte toutes ces composantes nécessite des choix politiques de mise en relation des acteurs : usagers, services techniques de l’État, investisseurs, entreprises de maintenance et de gestion du service. Enfin, les analyses de consommation doivent être analysées et prises en compte. Au final, le verdict est sans appel : construire un service de l’eau, en adéquation avec des demandes différenciées, réellement formulées par les populations, est un puzzle complexe, dont la construction des infrastructures n’est qu’une pièce.
Outil de développement local
Aujourd’hui, la dimension de service public a pris toute sa dimension : avoir « accès à l’eau » de manière durable passe par une organisation politique et professionnelle du service, une clarification des rôles, droits et devoirs de chacun, au sein de mécanismes efficaces et évolutifs. Mettre en place un « service public » est certes une condition d’accès durable à la ressource. Mais il s’agit avant tout d’une opportunité de répondre aux attentes des usagers, dont le souci est d’ouvrir leur robinet et non de gérer l’accès à l’eau. Par exemple, au Sénégal, les populations rurales, soucieuses d’avoir l’eau « comme à la ville », réclament une organisation professionnelle du service. La politique de l’État est de favoriser les systèmes d’adduction communs à plusieurs villages. Des gérants payés par les usagers y assurent le service à temps plein et gèrent des flux d’argent importants. Un véritable service de l’eau est né.
Le constat est limpide : l’accès à l’eau ne peut se concevoir sans une volonté politique d’impliquer les acteurs d’un même territoire. La construction du service passe dès lors par la coordination des différents acteurs et par l’aménagement d’espaces de débats publics, où les intérêts doivent converger.
Avoir accès à l’eau libère du temps et crée des conditions favorables au développement économique. L’accès à l’eau se révèle ainsi dans toutes ses dimensions : un formidable outil de développement institutionnel et économique. Géré avec professionnalisme, contrôlé localement, le service de l’eau peut être à l’origine du renforcement des compétences locales. Générateur de revenus locaux, il « irriguera » les activités locales de développement.
SOURCE
– Texte initialement paru dans Altermondes n°13, mars-mai 2008, p. 19.