Des habitants et élus alsaciens découvrent et mettent en œuvre une alternative aux stations d’épuration pour les petites communes… ce qui fait grincer quelques dents du côté de l’Agence de l’eau et de la multinationale opérant la station d’épuration locale.
La législation actuelle en matière de gestion de l’environnement prévoit un certain nombre d’échéances importantes, au nombre desquelles figurent la fin de la mise en décharge des ordures (fin décembre 2002) et le traitement des eaux usées (fin décembre 2005). Ces contraintes s’appliquent à toutes les communes de France et la plupart des petites communes créent des syndicats intercommunaux pour faire face à ces nouvelles exigences. Pour épurer les eaux usées, la plupart des communes envisagent la construction d’une station d’épuration ou le branchement à une station existante. Or, la plupart des résidents de communes raccordées à une station d’épuration constatent quelques désagréments :
– la facture d’eau augmente fortement ;
– le branchement au réseau représente une forte charge pour le budget municipal (de l’ordre de 25 000 F), car il faut faire un bassin et assurer un réseau séparatif entre eaux de consommation et eaux de pluie ;
– une surtaxe est appliquée aux communes qui n’utilisent pas assez la station d’épuration ou déversent de l’eau trop « claire » !
– le traitement des boues résiduelles n’est pas réglé. Pour l’instant, on les épand sur les terres agricoles, ce qui est le moins coûteux (200 F par tonne). La mise en décharge coûte 400 francs par tonne et l’incinération 1 500. Dans tous les cas, la gestion écologique n’est pas sûre (lessivage des polluants dans le sol, dioxines des fumées...).
Une équipe de Chrétiens dans le Monde Rural d’une petite région au sud de l’Alsace, appelée Sundgau, ne s’est pas arrêtée à cette solution de l’épuration centralisée. Soucieux de leur environnement, inquiets de voir qu’une station destinée à assainir pollue en remettant les boues dans la nature, ces personnes ont essayé d’en savoir plus sur les systèmes de traitement des eaux. Ils ont ainsi rencontré d’autres personnes qui se posaient les mêmes questions, notamment des maires de petites communes et des membres d’associations écologiques. Ils ont commencé à amasser une documentation et ont assisté à diverses réunions. C’est ainsi qu’ils ont découvert un document technique du ministère de l’Agriculture et de la Pêche intitulé « filières d’épuration adaptées aux petites collectivités » (FNDAE n°22). Le ministère y recommande, pour les petites communes de moins de 2 000 équivalents/habitants, des solutions naturelles et autonomes, beaucoup moins coûteuses que les stations d’épuration.
Les membres de l’équipe CMR ont ainsi pris conscience de l’interdépendance de toutes les communes entre elles, puisque les actions des unes se répercutent sur les autres, mais aussi du rôle irremplaçable de la mobilisation des citoyens pour rechercher l’information, la diffuser et se mobiliser pour préserver un cadre de vie qui ne constitue pas toujours la priorité des politiques et des élus.
Aujourd’hui, les membres de cette équipe sont convaincus que le traitement des eaux usées de leur petit village devrait se faire soit sans rien changer (fosses septiques individuelles contrôlées) soit par l’aménagement d’une rhizosphère. Ce système consiste à envoyer les eaux usées dans des roselières qui digèrent silencieusement les polluants, sans court-circuiter les fosses septiques, et en acceptant des taux de dilution plus élevés que les centrales classiques. Outre son faible coût et l’absence de nuisances olfactives et sonores, la production de boues est faible (elles doivent être évacuées tous les deux ans)et il semblerait que son efficacité soit supérieure au regard des normes européennes.
Cependant, cette alternative n’est pas du goût de tous les élus ni de tous les responsables administratifs. Malgré son adoption dans plusieurs villages du Sundgau (Manspach, Ammertzwiller, Gommersdorf....), l’Agence de l’eau refuse de subventionner des installations aussi « rustiques ». Le maire de Manspach est catégorique : « Il n’est pas exclu que notre commune fasse un recours auprès des tribunaux administratifs ou de la cour européenne de justice, pour obtenir dédommagement du fait que l’Agence de l’eau refuse de subventionner un équipement qui nous a permis d’atteindre les objectifs prescrits par la loi. Nous sommes parfaitement satisfaits de cette rhizosphère, dans la mesure où elle nous permet de fournir de l’eau de bonne qualité à moins de 6 F/m3 toutes taxes comprises, alors que les consommateurs reliés aux stations d’épuration voient leur facture d’eau s’élever à plus de 20 F/m3 ! »
Ainsi, en février 1999, l’Association des Maires pour l’Assainissement Rural Alternatif a vu le jour (AMARA), avec plus de 30 membres, qui dénonce le centralisme idéologique de la plupart des fonctionnaires, qui voudraient voir les petites communes raccordées à une grande station d’épuration, celle de Village Neuf, dimensionnée à terme pour 70 000 équivalents habitants. C’est l’exemple type d’une décision qui conduirait à la concentration de la pollution et à la fragilité de l’ensemble, puisque le moindre accident aurait des conséquences dramatiques.
Face à cette guerre larvée, l’équipe CMR propose des documents, diffuse des informations, en essayant de promouvoir les petites stations d’épuration, plus respectueuses de la nature et de la gestion autonome des communes.
Commentaire
Ce combat entre un petit groupe de citoyens et une multinationale est très inégal. L’équipe CMR s’est très vite heurtée à des lobbies et des pressions exercées par quelques grands groupes sur les politiques. Mais la ténacité, la pugnacité, la patience peuvent avoir raison de leurs adversaires. Aussi, l’opacité des décisions et la difficulté de trouver et d’obtenir l’information les a invités à insister et a éveillé leur curiosité. C’est également pour eux une occasion de se former dans des domaines assez techniques et parfois complexes. Il est parfois nécessaire de continuer le combat sur un registre politique pour que le projet que l’on défend finisse par s’imposer, c’est le cas pour le groupe de Marcel Koch qui s’engagera dans les municipales de 2001 pour défendre la rhizosphère...
SOURCE
– Texte issu d’un témoignage de Marcel KOCH.