Le meilleur moyen de garantir l’accès à l’eau des communautés d’Atacama est de respecter et renforcer leur droit coutumier et leurs pratiques traditionnelles, qui sont adaptées à la situation des ressources en eau dans la région.
Patricia Albornoz Guzmán nous raconte son expérience de chercheuse sur les thématiques de l’eau dans la communauté andine de l’Atacama au Chili. Elle ne s’était jamais imaginé que l’élaboration de sa thèse doctorale en vue d’obtenir son diplôme d’avocate se transformerait, avec le temps, en l’une de ses plus grandes passions : la défense des droits à l’eau des peuples indigènes du Nord du Chili. La thèse en question aborde l’analyse juridique des droits d’utilisation de l’eau du point de vue des indigènes.
« Pour la communauté atacameña, l’eau est fondamentale, à la base de l’économie. L’irrigation est pratiquée depuis la nuit des temps, accompagnée du développement d’un système d’ingénierie hydraulique destiné à mieux utiliser la ressource. La technique provient de la conception et des travaux réalisés dans ce domaine par les Incas. »
Patricia Albornoz fit connaissance de la communauté de San Pedro de Atacama grâce à l’un de ses professeurs qui y effectuait des recherches et l’a invitée à y prendre part. Elle découvrit à cette occasion la chaleur des habitants, des personnes simples mais qui savent écouter. « L’avocat avec qui je suis arrivée se rendait régulièrement dans la communauté et ils connaissaient son travail d’analyse juridique de leurs droits. C’était un homme respecté pour le travail qu’il effectuait. San Pedro de Atacama est une zone qui a des problèmes d’eau, et le travail de mon professeur avec les habitants visait à clarifier la situation à cet égard. »
Elle commença donc sa thèse doctorale sur la problématique de l’eau, dont le thème central était « Droit indigène et droit des eaux ». « Quand j’ai terminé ma thèse, un panel fut organisé sur l’usage traditionnel de l’eau, lequel fut patronné par de grandes entreprises et servit à l’analyse de la situation de la zone. » Patricia raconte que les Mapuche mettent en relation l’eau avec les ancêtres, la nature et les esprits, car ils ont un respect quasi sacré pour l’environnement. Pour les Aymará, la communauté atacameña, comme pour le monde andin en général, l’eau est tout aussi fondamentale. Elle est la base de leur économie. Le contrôle de l’eau, sa gestion et sa distribution reflètent la structuration du pouvoir, et constituent la base structurante de l’organisation politique andine. Pour les Aymará, les droits de chaque membre de la communauté relativement à l’eau sont déterminés socialement.
Quelques-unes des thématiques relatives à l’eau ont été discutées avec les communautés, parmi lesquelles la gestion des eaux, les coutumes indigènes relatives à l’eau, la conception de l’eau indépendamment de la terre et de l’écosystème, la réglementation applicable à l’utilisation des eaux indigènes, la régulation des droits d’utilisation des eaux indigènes, la législation générale applicable, etc. « Actuellement, le droit coutumier et la gestion des ressources naturelles constituent deux thèmes de discussion et de conflit qui ont un impact sur le processus de modernisation et de développement à l’œuvre dans notre pays. Ces deux aspects entrent en ligne de compte dans une problématique concrète comme la relation à l’eau des différentes ethnies qui habitent notre territoire. Ces relations sont fondées sur les coutumes qu’ils respectent, de sorte que l’utilisation de l’eau se trouve régulée. »
La lutte pour les droits à l’eau a commencé il y a plusieurs années. Dans cette zone, chaque communauté a sollicité que lui soit accordée le droit de gérer elle-même l’eau, autrement dit l’autonomie. Les communautés concernées comprennent cette autonomie comme relation entre la montagne et la plaine, qui conditionne les modes de l’utilisation de l’eau à tous les niveaux : comment l’eau est distribuée, quel usage en est fait, comment l’on procède à l’irrigation, etc. La communauté considère que ses terres sont en relations directes avec les sources d’eau, constituant un tout écologique. Ils croient que tous les éléments du territoire sont organisés autour de ce tout, et que si l’un des éléments de ce tout est modifié, ils peuvent s’en trouver affectés. Particulièrement intéressante à observer est la cérémonie au cours de laquelle toute la communauté nettoie ses canaux. Les habitants ont une conscience très claire du caractère éminemment vital de l’eau, et pour cette raison en prennent soin, se relayant pour l’administrer. Ils ne conçoivent même pas que l’on puisse séparer terre et eau.
San Pedro de Atacama est situé dans une zone ouverte, mais la chaleur y est très intense. Les habitants y cultivent en terrasses. Leurs champs se trouvent au sommet des montagnes et des collines. Ils doivent trouver les moyens de faire en sorte que l’eau y irrigue leurs plantations. La communauté est bien organisée dans le domaine de l’administration de l’eau. Ils ont un « Maire de l’eau », qui se charge de veiller à son utilisation, sa gestion et sa distribution. Tous les membres de la communauté savent auquel d’entre eux c’est le tour d’assumer cette charge chaque semaine et, si l’un d’entre eux ne le fait pas, il est sanctionné.
« Ils m’ont raconté qu’une fois il a tant plu que le système d’écoulement s’est bouché. Ils ont dû faire appel au gouvernement. Comme celui-ci tardait à réagir, ils sont venus le menacer avec des drapeaux boliviens brandis en guise de protestation. En très peu de temps, toute la machinerie est alors arrivée pour désobstruer les canaux. Les Atacameños ont obtenu la reconnaissance du gouvernement, ils ont démontré qu’ils avaient leurs propres stratégies de renforcement et d’organisation communautaire, d’autant plus lorsqu’il s’agit de leur trésor naturel, l’eau. »
Commentaire
L’eau est depuis un certain temps l’un des centres de préoccupation et d’intérêt majeurs des administrations, des entreprises et des habitants d’une région. Son contrôle implique indiscutablement un pouvoir énorme.
Cela explique que les nations indigènes revendiquent leurs droits en s’appuyant sur le droit coutumier, reconnu par des conventions internationales et ayant force de loi dans divers pays andins, comme le Chili. Le travail des professionnels engagés auprès des communautés indigènes est d’une grande importance pour que ces derniers connaissent et fassent respecter les lois qui les favorisent. Une information opportune et adéquate permet aux communautés et aux villages d’en faire usage pour leur survie.
Note
Fiche originale en espagnol : Los indígenas y el derecho al agua en Chile. Traduction : Olivier Petitjean.
SOURCE
– Fiche réalisée sur la base d’un entretien avec Patricia Albornoz Guzmán, avocate et chercheuse dans le domaine des droits indigènes de l’eau au Chili. Elle travaille comme consultante dans les quartiers pauvres de Santiago. Pour davantage de précisions, voir la Revista de Derecho Administrativo Económico de Recursos Naturales, publiée par la Faculté de Droit de la Pontificia Universidad Católica de Chile, Volume III de l’année 2001. On peut également contacter directement Patricia Albornoz - palbornoz_guzman (at) hotmail.com