Pas un climat propice pour les grands barrages

, par  POTTINGER Lori

Des institutions comme la Banque mondiale font de l’énergie hydroélectrique une solution pour l’Afrique, alors qu’il patent que jusqu’aujourd’hui les grands barrages n’ont apporté aucune solution contre la « fracture électrique » qui fait que des dizaines de millions d’Africains continuent de vivre dans l’obscurité. Pour Lori Pottinger, les choix avisés sont ailleurs, « à l’heure où le réchauffement climatique risque de rendre les rivières de l’Afrique encore moins fiables pour des grands projets hydroélectriques et leurs eaux plus précieuses pour d’autres usages ».

L’Afrique est l’endroit le moins électrifié du monde. Environ 550 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Près de la moitié des pays africains connaissent une crise énergétique. La résolution de cet énorme problème est rendue encore plus difficile par une pauvreté généralisée, et le fait que beaucoup d’Africains vivent loin des réseaux d’approvisionnement augmente considérablement le coût de l’électrification.

Dans ces conditions difficiles, il n’y aura pas de seconde chance pour électrifier l’Afrique : il faut le faire de manière adéquate dès la première tentative. Pourtant, beaucoup des planificateurs du continent misent tous leurs espoirs pour l’électrification de l’Afrique sur quelque chose d’aussi éphémère que la pluie, en promouvant un réseau de grands barrages à travers le continent. La Banque mondiale a rejoint leurs rangs avec son dernier « Rapport sur le Développement Mondial », qui en appelle à un déploiement hydroélectrique majeur pour le continent. Ce modèle est bien adapté pour faciliter l’industrialisation et l’exploitation des ressources naturelles, mais pas pour réduire la pauvreté énergétique de l’Afrique.

Même abstraction faite de la pertinence éventuelle de ces projets pour répondre aux besoins fondamentaux de la population, la vision qui les sous-tend ne tient pas compte de la nature imprévisible des rivières de l’Afrique, une situation qui sera aggravée par le changement climatique. De nouveaux barrages sont construits en Afrique sans aucune vérification préalable de la façon dont le changement climatique les affecterait. Beaucoup de barrages existants souffrent déjà de pénurie d’énergie causée par la sécheresse. Le changement climatique devrait modifier radicalement l’hydrologie des rivières africaines, entraînant à la fois des sécheresses pires et des inondations plus dangereuses (ces dernières occasionnant des préoccupations en termes de sécurité pour les barrages mal entretenus ou mal exploités). En même temps, de nombreux pays africains sont confrontés à d’énormes problèmes de sécurité de leur approvisionnement en eau. Dans ce climat, la construction frénétique de barrages proposée en Afrique pourrait être catastrophique.

Le discours maintes fois répété, selon lequel seuls 5 à 8% du potentiel hydroélectrique du continent aurait été exploité, est au mieux un message incomplet. L’autre côté de la médaille est que l’Afrique est déjà dangereusement hydro-dépendante [1]. Dans le même temps, le continent n’a pas encore développé même une infime fraction de ses sources énergétiques potentielles solaires, éoliennes, géothermiques et de biomasse. Alors que les grands barrages n’ont quasiment rien fait pour diminuer la « fracture électrique » qui a laissé tant d’Africains dans l’obscurité, des projets d’énergie renouvelable peuvent être calibrés pour répondre aussi bien aux besoins du plus petit village africain qu’aux plus grandes des zones urbaines. À l’heure où le réchauffement climatique risque de rendre les rivières de l’Afrique encore moins fiables pour des grands projets hydroélectriques et leurs eaux plus précieuses pour d’autres usages, les gouvernements et les bailleurs devraient chercher à diversifier les sources énergétiques.

Des rivières risquées

Les données hydrologiques passées, sur la base desquelles des dizaines de nouveaux barrages sont prévus, ont peu de relation avec l’hydrologie future. Les impacts économiques de l’hydrovulnérabilité seront ressentis à la fois au niveau des coûts des coupures d’électricité pour la production industrielle, et du coût des investissements gaspillés dans des barrages non performants.

Les risques économiques des barrages non viables aggraveront le risque qui a déjà été pris par de nombreux pays africains : celui de la trop grande dépendance envers l’hydroélectrique pour fournir l’électricité. La majorité des États subsahariens obtiennent leur électricité à partir des cours d’eau. Au moins deux pays ont commencé à inverser cette dépendance : la Tanzanie, qui est en train de développer ses gisements de gaz, et le Kenya qui est devenu un leader africain en matière d’énergie géothermique. La question de savoir qui assume la responsabilité des risques coûteux des barrages non performants n’a pas encore été débattue, mais jusqu’à présent, les constructeurs privés ne semblent pas avoir à craindre qu’on leur fasse assumer ces risques.

L’autre risque climatique est que beaucoup de ces grands barrages nuisent sérieusement aux communautés riveraines et aux écosystèmes en aval, ce qui est susceptible de rendre l’adaptation climatique beaucoup plus difficile pour des millions d’Africains qui dépendent directement des rivières et des lacs pour leur subsistance et leur approvisionnement en eau et en nourriture. Comme le conte de fées qui conseille de « tuer la poule aux œufs d’or », les planificateurs des barrages d’Afrique mettent en péril des « œufs d’or » irremplaçables, tel qu’un approvisionnement en eau saine et abondante, des sédiments importants pour l’agriculture qui revitalisent les plaines inondables, les forêts riveraines et l’industrie de la pêche.

Actuellement, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), 14 pays africains sont considérés comme souffrant de stress hydrique ou de pénurie d’eau, et environ 11 autres pays les rejoindront au cours des 25 prochaines années. Dans de telles conditions, des rivières saines à haut débit seront des ressources encore plus valorisées qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Certains développeurs de barrages admettent que les projets hydroélectriques africains sont vulnérables face à une pluviométrie variable, mais croient qu’ils peuvent « tenter leur chance », et simplement construire plus de barrages, dans des régions plus vastes et tout relier avec des systèmes de transmission qui permettraient des échanges d’énergie pour les endroits où la sécheresse aurait paralysé l’alimentation. Pourtant, il est difficile de vendre de l’électricité à partir des réservoirs vides.

Des spécialistes du climat prévoient des changements réellement alarmants de divers cours d’eaux africains. Le chercheur du gouvernement britannique Sir Nicholas Stern a prédit récemment qu’une augmentation de la température de 3-6 degré Celsius dans les prochaines années provoquera une réduction de 30 à 50% de la disponibilité de l’eau en Afrique australe. Des scientifiques ont découvert des preuves de sécheresses ayant duré des siècles en Afrique de l’Ouest dans le passé [2]. Leur étude effectuée en 2009 prévoit que le réchauffement climatique pourrait créer des conditions menant à des sécheresses extrêmes dans la majeure partie de l’Afrique occidentale, qui abrite entre autres le plus grand réservoir de l’Afrique, le lac Volta d’Akosombo.

L’Afrique de l’Est s’assèche depuis le milieu des années 1980, une tendance qui fait déjà perdre des points de PIB aux États de la région. Un nouveau rapport publié par AFREPREN sur « l’hydroélectricité à grande échelle, les énergies renouvelables et l’adaptation au changement climatique » affirme que « le PIB du Kenya équivaut à 29,5 milliards de dollars ; durant la crise énergétique provoquée par la sécheresse citée précédemment, la perte était estimée à environ 1,45% du PIB. Ceci équivaut à 442 millions de dollars de perte, qui pourraient être utilisés pour installer 295 MW d’énergie renouvelable ».

La plupart des États du Bassin du Nil produisent plus de 70% de leur électricité à partir des centrales hydroélectriques. Le panel intergouvernemental sur le changement climatique note qu’il y a déjà eu « une réduction de 20% du débit du Nil entre 1972 et 1987 » et d’ « importantes interruptions dans la production hydroélectrique en raison de graves sécheresses ». Même si dans certaines parties de l’Afrique, on s’attend à recevoir plus de pluie, cette augmentation devrait être contrebalancée par une augmentation de la température à travers le continent, ce qui amènera des taux d’évaporation élevés.

Une étude réalisée par des climatologues de l’Université du Cap a révélé que même une faible diminution de la pluviométrie de l’Afrique pourrait réduire considérablement les débits des rivières, affectant un quart du continent. Par exemple, une réduction des pluies de 10% sur la région de Johannesburg pourrait conduire à une baisse de 70% du niveau de la rivière Orange. Dans certaines parties de l’Afrique du Nord, les niveaux d’eau des rivières chuteraient de plus de 50%. « C’est comme effacer une grande partie des rivières de la carte. », a affirmé Maarten de Wit, qui dirigeait l’étude.

Occasions perdues

De nombreux projets hydroélectriques en Afrique ont été avancés sans aucune réflexion ou presque quant à savoir s’ils sont la meilleure option pour répondre aux besoins énergétiques des citoyens. Produire l’électricité à partir de grandes centrales hydroélectriques n’atteindra pas la majorité des Africains qui vivent loin du réseau électrique, et l’élargissement du réseau serait exagérément cher. Des grands projets hydroélectriques augmentent considérablement par à-coups l’approvisionnement en électricité d’une nation, et constituent un moyen inefficace d’aborder le problème de l’augmentation progressive de la demande du marché typique des économies africaines.

De grands barrages hydroélectriques centralisés incitent au développement de coûteux réseaux régionaux d’électricité de longue distance. Les destinataires et les bénéficiaires des électrons circulant sur de longues distances ne sont généralement pas la majorité non électrifiée de l’Afrique, mais les centres urbains et les grandes industries, souvent propriétés d’entreprises étrangères. De tels projets ne sont pas le moyen le plus efficace pour améliorer l’accès à de nouveaux clients, notamment dans les zones rurales qui ont le plus besoin d’électrification.

Une diffusion plus large de services énergétiques modernes pourrait amener d’énormes avantages pour la santé, l’éducation et les moyens de subsistance de la majorité de la population rurale de l’Afrique, impliquée dans des activités comme l’agriculture paysanne. Mais pour l’instant, la priorité est clairement donnée à l’expansion industrielle et aux mégaprojets.

L’exemple de la RD du Congo est instructif. Dans un pays de 66 millions de personnes, 6% seulement ont accès à l’électricité, en dépit de deux grands barrages sur le fleuve Congo. La société nationale d’électricité publique, la SNEL, dessert un peu plus de 400 000 clients, mais près de la moitié de l’électricité est consommée par seulement 20 gros clients. Le gouvernement congolais s’est fixé le but très ambitieux d’augmenter le taux d’accès à l’électricité à 60% d’ici 2025. Mais compte tenu des prévisions de croissance démographique, cela exigerait environ 400 000 nouveaux branchements chaque année. La hausse des coûts de réhabilitation des deux barrages (en mauvais état tous les deux) et la détermination de développer de futurs grands barrages sont en train d’épuiser les investissements qui pourraient permettre d’atteindre l’objectif de l’électrification domestique. Les investissements dans des projets d’alimentations énergétiques décentralisés, y compris d’hydroélectricité à petite et moyenne échelle à travers le pays, pourraient atteindre plus équitablement la population.

Prêcher par le mauvais exemple

L’Éthiopie est en train de devenir la tête d’affiche de l’Afrique en ce qui a trait au mal développement basé sur les grands barrages. Non seulement l’économie éthiopienne est sur la voie de devenir un « otage hydrologique » en raison de sa dépendance quasi-totale envers l’hydroélectricité à haut risque (85% maintenant, sur le point de franchir les 95% avec sa liste de barrages projetés), son schéma directeur énergétique requiert 3 milliards de dollars pour des nouveaux investissements, majoritairement dans de nouveaux barrages.

Le barrage Gibe III, actuellement en construction sur la rivière Omo, est le projet hydroélectrique majeur le plus mal planifié qui soit construit sur le continent aujourd’hui. Le gouvernement a délibérément abrégé sa préparation, augmentant les risques d’échec économique et technique, et n’a quasiment rien fait pour réduire les énormes impacts économiques et sociaux du projet. Celui-ci va modifier pour toujours la Basse vallée de l’Omo, foyer d’un demi-million d’agriculteurs, d’éleveurs et de pêcheurs.

Le barrage affectera les écosystèmes et les communautés en aval jusqu’au plus grand lac de désert du monde, le lac Turkana au Kenya. Oasis de biodiversité dans un désert aride, le lac Turkana, un site inscrit au patrimoine mondial, entretient plus d’un quart de millions de Kenyans et une riche vie animale. La rivière Omo représente 80-90% des afflux du lac. À mesure que le barrage se remplira, la rivière sera réduite de moitié, et cela se poursuivra ensuite par évaporation de l’immense réservoir. Le projet devrait également conduire à des déviations importantes de l’eau de la rivière pour des opérations agroindustrielles colossales. Le Lac Turkana pourrait ne pas survivre à cet assaut.

De tels résultats auraient dû être prévus dans l’analyse du projet, mais l’Éthiopie a commencé la construction avant que des études appropriées aient été effectuées. Des officiels du gouvernement éthiopien ont déclaré à la BBC que des études environnementales adéquates sont tout simplement « un luxe inutile ».

Actuellement, quelque quatre millions de Kenyans dépendent de l’aide alimentaire en raison de la sécheresse actuelle. L’Éthiopie a connu cinq grandes sécheresses depuis 1980. En 2003, l’alimentation électrique de l’Éthiopie a été interrompue par une grave sécheresse, occasionnant des coupures de courant soudaines et sévères qui ont duré six mois et ont coûté 200 millions de dollars de productivité annuelle. Une paralysie de Gibe III par la sécheresse entraînerait une marée de manque-à-gagner pour l’Éthiopie et des pannes d’électricité et des conséquences économiques désastreuses pour les autres gouvernements de la région qui achèteront l’électricité du barrage.

Assurance énergétique

Les nations africaines ont à leur disposition beaucoup d’alternatives meilleures que les grands barrages destructeurs. Quelques exemples :

Géothermie : Exploiter les réserves d’eau chaude souterraines est une excellente option pour une grande partie de l’Afrique orientale et d’autres nations. Achim Steiner, sous-secrétaire général des Nations unies et directeur exécutif du PNUE, a déclaré qu’« il y a au moins 4 000 MW d’électricité géothermique prête à être recueillie dans le Rift. Il est temps de reprendre possession de cette technologie reléguée à l’arrière-plan afin de renforcer les moyens de subsistance, alimenter le développement et réduire la dépendance envers des combustibles fossiles polluants et imprévisibles. Les chiffres de l’ONU montrent que l’Afrique exploite moins de 0,6% de son énergie géothermique. Le Kenya est l’exception, avec 10% de son électricité provenant désormais de centrales géothermiques.

Solaire : Le potentiel de l’Afrique est presque illimité. Pour ne donner qu’un exemple, une étude coparrainée par mon organisation a montré que l’immense potentiel solaire pratiquement inexploité du Mozambique est d’environ 1,49 million de GWh – des milliers de fois plus que la demande énergétique annuelle actuelle du pays. Et cette énergie est distribuée de manière égale à travers tout le pays. L’exploitation de cette énergie serait bénéfique pour les plus de 80% de la population du Mozambique qui sont actuellement hors réseau.

Efficacité énergétique : Il y a un potentiel énorme de réduction de la consommation d’énergie. Par exemple, l’Afrique du Sud, le principal client pour la plus grande partie de l’électricité que produirait le barrage Mphanda Nkuwa au Mozambique, pourrait rapidement économiser 3-5 fois le montant de la consommation d’électricité du Mozambique entier. Des économies d’énergie sont envisageables même dans les pays à faible utilisation. En fait, la mise en place de mesures efficaces pour les économies actuellement en croissance signifie qu’il y aura plus à partager avec ceux qui n’ont pas d’accès à l’électricité actuellement, et économiser de l’argent pour investir dans d’autres besoins urgents. « Les pays en voie de développement, qui représenteront 80% de la croissance de la demande énergétique mondiale d’ici 2020, pourraient réduire leur demande de plus de la moitié en utilisant les technologies existantes pour améliorer l’efficacité énergétique. », selon le McKinsey Global Institute. L’efficacité est la source d’énergie la plus économique de toutes.

Éolien : Le potentiel éolien est également élevé dans de nombreuses régions de l’Afrique et commence enfin à être développé (de nouveaux projets de grande envergure sont en cours au Kenya et en Égypte, par exemple).

Cogénération : La production d’électricité à partir de la vapeur, de la chaleur ou d’autres sources d’énergie en tant que sous-produit d’un processus industriel est bien adaptée pour de nombreux pays africains. AFRPREN estime que l’Afrique pourrait obtenir 20% de son électricité à partir de la cogénération. La Mauritanie obtient maintenant près de la moitié de son électricité de centrales de cogénération utilisant principalement des déchets de canne à sucre.

Diversifier le secteur énergétique de l’Afrique soutiendrait ses efforts d’adaptation climatique sur plusieurs points essentiels : cela minimiserait la dépendance envers des pluies irrégulières pour l’électricité, réduirait les conflits autour des ressources en eau et protégerait les écosystèmes des rivières ainsi que les nombreux bénéfices qu’ils apportent aux populations. Enfin, cela permettrait de partager la richesse avec les plus d’un demi-milliard d’Africains qui vivent actuellement dans l’obscurité.

* Lori Pottinger a travaillé pendant 16 ans aux campagnes africaines de l’ONG International Rivers (www.internationalrivers.org). Terri Hathaway a contribué à cet article

Cet article fait partie d’un numéro sur l’eau et la privatisation de l’eau en Afrique, produit dans le cadre d’une initiative conjointe par le Transnational Institute, Ritimo et Pambazuka News.

Comment les barrages affectent l’approvisionnement en eau
La plupart des Africains vivant en zone rurale sont directement tributaire de l’eau de surface – rivières, zones humides, sources et lacs – pour leur approvisionnement en eau. Aujourd’hui, 20 pays africains sont confrontés à une sévère pénurie d’eau et 12 autres s’ajouteront à la liste dans les 25 prochaines années. Avec le changement climatique, les cours d’eau à haut débit deviendront une ressource de plus de valeur encore qu’ils en ont aujourd’hui. Les barrages sont susceptibles d’affecter la qualité et la quantité de l’eau pour des millions d’utilisateurs en aval. Voici quelques-uns des moyens par lesquels ceci peut se produire :

- En bloquant les éléments nutritifs transportés par les rivières, les barrages peuvent faciliter la croissance d’algues toxiques. La prolifération massive d’algues dans des réservoirs de l’ex-URSS, d’Afrique du Sud et de Californie a rendu ces réservoirs inaptes à la consommation. Quatre barrages hydroélectriques de Californie ont presque tué la pêcherie de la rivière Klamath et rendu la rivière impropre à la consommation et même à la natation. L’eau stockée pendant des mois, voire des années, derrière un grand barrage, peut devenir mortelle pour la plupart des organismes vivants dans le réservoir et dans la rivière à plusieurs kilomètres en aval du barrage. Les réservoirs qui reçoivent également des effluents traités des communes et des villes en amont sont plus susceptibles de connaître ce problème.

- Les barrages conduisent également à l’approfondissement du lit à des dizaines voire des centaines de kilomètres en aval du réservoir. L’approfondissement des lits peut baisser la nappe phréatique le long d’une rivière, menaçant la végétation et les puits dans les plaines inondables, et exiger l’irrigation des cultures dans des endroits où le besoin n’existait pas auparavant.

- Les réservoirs tropicaux sont particulièrement sujets à la colonisation par des plantes aquatiques. En plus de causer d’autres problèmes, des mattes de plantes flottantes peuvent abaisser le niveau des réservoirs. Les pertes d’eau par évaporation et par transpiration dans des réservoirs couverts de mauvaises herbes peuvent être jusqu’à 6 fois plus élevées que l’évaporation dans les eaux libres.

- Du fait qu’ils augmentent considérablement la surface de l’eau exposée au soleil, les barrages peuvent augmenter l’évaporation de grandes quantités d’eau. Environ 170 mille mètres cubes d’eau s’évaporent à partir des réservoirs dans le monde chaque année, soit plus de 7% de la quantité totale d’eau douce consommée par toutes les activités humaines. La moyenne annuelle de 11,2 kilomètres cubes d’eau évaporée du réservoir Nasser derrière le barrage d’Assouan correspond à environ 10% de l’eau stockée dans ce réservoir et est à peu près égale au total des extractions d’eau pour usage résidentiel et commercial de toute l’Afrique. Le projet de réservoir pour le barrage d’Epupa aurait entraîné l’évaporation de plus d’eau que la consommation de la ville de Windhoek en une année.

- L’augmentation de la salinité (qui ruine les terres pour l’agriculture), est un autre risque lié aux pénuries d’eau des grands réservoirs. La quantité massive d’évaporation des réservoirs du barrage Hoover et des autres barrages sur le Colorado – un tiers du débit de la rivière s’évapore des réservoirs - est l’une des raisons pour laquelle la salinité de cette rivière a atteint des niveaux désastreux et coûteux. De fortes concentrations de sels sont toxiques pour les organismes aquatiques, et les tuyaux et les machines sont corrodés.

- Les barrages modifient la saisonnalité, la quantité et la composition chimique du débit d’une rivière, conduisant à des changements dramatiques dans les plaines inondables et des zones humides qui assurent la régénération des eaux souterraines. Ces changements peuvent également conduire à la destruction des forêts, qui, entre autres, contribuent à réguler le climat local. La forêt de la plaine inondable de la rivière Tana au Kenya semble être sur la voie de la disparition, car elle perd sa capacité de régénération en raison de la réduction des fortes crues due à une série de barrages en amont. Le cours inférieur du Zambèze a perdu beaucoup de sa riche plaine d’inondation et de ses zones humides en raison de barrages en amont qui ont de grands effets sur tout l’écosystème.

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