Sécheresse historique : la Californie dos au mur face à ses problèmes d’eau

, par  Olivier Petitjean

La Californie est en train de connaître la plus importante sécheresse de toute son histoire : la pire depuis 500 ans, disent certains scientifiques. Une situation qui vient confirmer les pires inquiétudes des experts sur la mauvaise gestion des ressources en eau de l’État et les impacts du changement climatique. Le site états-unien d’information sur l’eau Circle of Blue couvre de manière très complète l’évolution de la situation et des débats qu’elle suscite.

Les précipitations sont en-dessous de la moyenne depuis trois ans en Californie. La situation a atteint le point où certaines communautés rurales ne bénéficient quasiment plus d’eau potable pour leurs habitants. Les autorités de l’État ont déjà annoncé qu’elles n’auraient aucune eau à allouer cette année pour l’irrigation ni pour les 24 districts municipaux qui dépendent pour partie de cet approvisionnement. Des restrictions sur la consommation d’eau sont en place ou prévues dans différents endroits de l’État. Le gouverneur Jerry Brown a demandé à tous les utilisateurs domestiques et commerciaux de réduire leur consommation de 20%.

La seule partie de l’État à échapper pour l’instant aux effets de la sécheresse est la Californie du Sud (dont le secteur agricole dépend de l’eau du Colorado et non des systèmes de transfert d’eau depuis le Nord de l’État). Contrairement aux petites communautés rurales, les grandes zones urbaines se sont dotés des instruments et des investissements nécessaires pour sécuriser leur approvisionnement. Mais bien qu’il se soit doté de capacités de stockage de l’eau très importantes, le Metropolitan Water District de Los Angeles (qui approvisionne 19 millions d’usagers) a lui aussi annoncé des restrictions de consommation, pour l’instant volontaires.

Entrée dans une nouvelle époque climatique et hydrologique

L’ampleur de la sécheresse met en évidence que les modèles climatiques et hydrologiques issus du XXe siècle ne sont plus adaptés aux besoins d’aujourd’hui et de demain. « Cette année a jeté tous les records des années précédentes par la fenêtre », explique un climatologue à Circle of Blue. « Sur une échelle de 1 à 10, nous en sommes à 14 ou 16. » Même les parties les plus humides de la Californie ont vu moins de pluie que Phoenix, et il a plu autant à San Francisco que dans le désert Mojave. Les chutes de neige hivernales dans les montagnes, qui régulaient historiquement l’approvisionnement en eau de la Californie, risquent fort de se voir drastiquement réduites. L’enneigement des montagnes californiennes ne représente actuellement que 15% de la normale. Les pires scénarios climatiques envisagent qu’il descende à 10% en moyenne d’ici la fin du siècle.

En conséquence, c’est aussi tout le système californien de gestion de l’eau - lequel fonctionnait déjà sur des bases relativement précaires - qui capote. Le système d’irrigation public qui alimente les exploitations agricoles californiennes Central Valley Project et State Water Project) est entièrement basé sur la fonte des neiges. En conséquence de l’absence d’allocation d’eaux de surface cette année, les agriculteurs qui le peuvent pompent massivement les eaux souterraines, dont les réserves sont déjà surexploitées.

La sécheresse touche aussi d’autres États de l’Ouest américain, affectant particulièrement l’industrie agricole, grande consommatrice d’eau. Dans la Central Valley californienne, de vastes surfaces agricoles devront être laissées en friche en 2014, avec des conséquences économiques sérieuses pour les ouvriers agricoles. Le président Obama a annoncé une série de mesures d’aides pour le secteur agricole américain, durement touché par les désastres climatiques ces derniers mois. Et il en a profité pour annoncer également une augmentation du budget de la recherche en matière d’adaptation au changement climatique.

La crise actuelle n’est en fait que le paroxysme d’une sécheresse qui, avec des hauts et des bas, dure depuis dix ans. Circle of Blue propose un gif animé qui retrace les étapes de cette sécheresse. Selon les données issues des satellites GRACE, qui analysent toutes les différentes formes de réserves d’eau (neige, cours d’eau, sols et eaux souterraines), la Californie a perdu au total 50 milliards de mètres cubes d’eau entre 2003 et 2013 (dont 20 milliards rien qu’en 2011-2013).

Pas de solution politique

La gestion de l’eau en Californie a toujours été caractérisée autant par sa complexité que par sa conflictualité. La recherche de solutions s’accélère, mais il est loin d’être sûr que les intérêts discordants des différents acteurs impliqués dans le secteur de l’eau (les fameux water buffaloes : intérêts agricoles, urbains, environnementalistes) parviennent à trouver un terrain d’entente à la faveur de la crise. Le gouverneur démocrate Jerry Brown souhaite la construction d’un nouveau méga-tunnel sous le delta du Sacramento et du San Joaquin, afin de transférer davantage d’eau du Nord vers le centre et le Sud de l’État. Mais ce projet est très contesté par les écologistes, et le bouclage financier se fait attendre. Le projet pourrait coûter 15 milliards de dollars.

Certains observateurs prédisent un développement accéléré, dans les années qui viennent, des solutions technologiques (dessalement) ou commerciales (marchés). Les Républicains et l’agribusiness, quant à eux, souhaitent simplement abolir toutes les restrictions environnementales qui empêchent de détourner davantage d’eau des rivières californiennes. Espérons que les solutions plus durables, comme les économies d’eau (à la fois dans les villes et dans les zones agricoles) et le renforcement de la régulation des extractions d’eau souterraines (aujourd’hui très peu contrôlées), auront aussi leur chance les propositions de Peter Gleick, président du Pacific Institute..

L’ensemble des articles consacrés par Circle of Blue à la sécheresse californienne est ici.

Olivier Petitjean

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Photo : Plucky Tree @ flikcr CC

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