Des graines pour avoir de l’eau potable

, par  Larbi Bouguerra

Il existe des moyens naturels de purification des eaux, à la fois moins coûteux et plus sûrs que le traitement à base de produits chimiques, mais ils restent à développer à grande échelle.

Des graines qui ressemblent aux pois-chiches pourraient fournir bientôt aux ingénieurs et aux professionnels de l’eau un moyen peu coûteux de protéger des millions d’êtres humains dans le Tiers-Monde des maladies "hydriques" qui infligent un si lourd et si cruel tribut à la population et qui ont pour nom : typhoïde, dysenterie, choléra, cécité des rivières (onchocercose), hépatite et poliomyélite. Les graines de Moringa Oleifera sont très répandues aussi bien en Inde qu’en Afrique ou en Indonésie. Une des protéines qu’elles contiennent fait coaguler les particules en suspension des eaux contaminées et troubles, lesquelles finissent par se déposer emportant avec elles virus et bactéries, agents des terribles maladies mentionnées plus haut, abandonnant une eau claire, limpide et saine, en un mot une eau potable. Cette opération de coagulation se fait dans les stations modernes d’épuration, mais au moyen d’un produit chimique coûteux : le sulfate d’aluminium, souvent hors de portée des pays pauvres. Or, depuis des temps immémoriaux, certaines populations d’Afrique utilisent ces graines moulues pour clarifier les eaux qu’elles boivent.

Les ingénieurs de l’université de Leicester en Grande-Bretagne sont en train de mettre au point un prototype de décontamination à grande échelle utilisant cette graine et dont les essais ont démarré au Malawi. L’expérience veut tester la qualité de l’eau ainsi traitée pour une communauté de 2 500 âmes. On tient notamment à vérifier s’il est bien vrai que ces graines réduisent par 1 000 le niveau bactérien des eaux et si les entérovirus subissent une décroissance du même ordre de grandeur. Ces derniers sont responsables des graves maladies gastrointestinales qui causent une bonne part des décès de bébés et d’enfants. L’équipe anglaise travaille avec le service des forêts du Malawi pour planter les 4 500 arbres qui fourniront les graines. Elle réfléchit aussi à la façon de stocker ou de détruire les sédiments de coagulation obtenus. On peut penser à les enterrer ou à les brûler. Une meilleure option consiste à les exposer au soleil des pays équatoriaux, riche en rayons ultraviolets capables de décomposer les matières organiques, tuant ainsi les agents pathogènes qu’ils contiennent. On essaie enfin de comprendre le mode d’action de la protéine qui forme 30 à 40 % du poids de la graine et qui agit comme un "polyélectrolyte", dans le jargon des chimistes, capable d’établir une réticulation entre particules chargées, d’où la coagulation.

L’observation intelligente du savoir faire traditionnel est riche d’enseignement et peut servir tout autant les pauvres que ceux auxquels la fortune a souri. Il y a quelques années, toute une communauté anglaise a terriblement souffert du fait d’une erreur de dosage, à l’usine de distribution et de traitement de l’eau, de la quantité de sulfate d’aluminium : il s’en est suivi diverses affections débilitantes et des troubles neurologiques graves (incident de Camelford qui a fait la une des journaux britanniques ; voir notamment l’article de Mélanie Phillips dans "The Guardian" du 26/10/1990, p.3). L’utilisation d’un produit naturel offre une plus grande sûreté d’emploi bien évidemment.

SOURCE
 "Sowing the seeds of clean, clear water", de Andy COGHLAN paru dans New Scientist (GB), n°1761, 23/03/1991, p. 28.

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