Confrontés au changement climatique, qui se manifeste par des écarts extrêmes de température et une alternance de périodes d’inondations et de sécheresse, les gens discutent des voies possibles pour atténuer ces effets. Fondamentalement, nous sommes à la recherche d’un système de climatisation partout accessible et pouvant fonctionner presque n’importe où dans le monde.
Le problème étant véritablement généralisé, peut-être l’ONU devrait-elle publier l’appel à propositions suivant :
Nous cherchons un procédé de climatisation utilisable dans le monde entier qui respecterait les critères suivants :
- Être fait de matériaux durables et complètement recyclables, n’utiliser que de l’énergie solaire, à l’exclusion de toute source fossile ou nucléaire. Ainsi son fonctionnement participera-t-il à la diminution des taux de gaz à effet de serre, et en particulier de dioxyde de carbone, dans l’atmosphère. Tous les composants du dispositif devront être bio-dégradables.
- Au lieu de rejeter du dioxyde de carbone, il devrait rejeter un gaz que les autres organismes peuvent utiliser pour respirer (idéalement, de l’oxygène). À l’inverse, le processus de construction de l’appareil devrait consommer du dioxyde de carbone.
- Le dispositif sera indépendant de toute source d’énergie artificielle et dépendra uniquement du soleil.
- L’appareil devra être parfaitement silencieux et ne produire aucun gaz d’échappement ou de déchet. De plus, il devra absorber le dioxyde de carbone, la poussière et le bruit. Il devra améliorer la qualité de l’eau et de l’air.
- L’appareil devra fonctionner sur une durée excédant une durée de vie humaine. Tout au long de son fonctionnement, il devra pouvoir s’adapter à des conditions météorologiques différentes tout en ne nécessitant qu’une maintenance minimale et gratuite.
- Il devra procurer de l’ombre et rafraîchir l’air pendant l’été, tout en augmentant l’humidité. En outre, il devra émettre des odeurs agréables en quantité appropriée.
- Le dispositif devra être disponible en différents modèles, adaptés aux divers climats, et devra être utilisable dans les régions tropicales, tempérées et ailleurs. En hiver, il pourrait diminuer son ombrage pour laisser passer plus de rayonnement solaire.
- Une condition clé sera son auto-régulation automatique, avec des capteurs réglant le niveau de rayonnement solaire de zéro à 10 ou 20 kW. Une attention particulière devra être portée à la disposition et au nombre de réglages afin d’assurer une climatisation uniforme et éviter tout excès de température. La densité des capteurs devra être de 10 à 100 par mm2. l’appareil devra avoir une capacité supérieure à celle des appareils électriques courants plus coûteux.
- Les coûts d’installation et d’entretien ne devront pas dépasser 4 euros par an. L’appareil ne devra pas nécessiter d’entretien journalier et son entretien annuel ne devra pas non plus être difficile.
- Comme il devra fonctionner uniquement avec l’énergie solaire, ses coûts de fonctionnement seront nuls.
- Le dispositif devra avoir un aspect naturel et élégant. Il devrait attirer les oiseaux pour la nidification, et fournir de la nourriture aux insectes ; il devrait aider à dissiper la fatigue physique et mentale des individus, et il devrait respirer et bruisser, tout en libérant des substances aux effets apaisants.
Eh bien, celui qui passerait cette annonce serait-il devenu fou, ou serait-il un utopiste invétéré ? Non ! Un tel dispositif existe, et il est facilement accessible. C’est un arbre ! Un arbre nourri par l’eau. Voyez par vous-mêmes :
Un arbre ayant une couronne de 5 mètres de diamètre couvre une surface de près de 20 m2. Un jour ensoleillé, au moins 150 kW d’énergie solaire tombent sur sa couronne. Que devient cette énergie ?
1% est utilisé pour la photosynthèse, 10% est réfléchi sous forme de rayonnement lumineux, 5 à 10 % est libéré sous forme de chaleur, et le même pourcentage est utilisé pour chauffer le sol. La plus grande partie sert au processus de transpiration par lequel de la vapeur d’eau est libérée par l’arbre. Si un arbre dispose de suffisamment d’eau, il peut évaporer plus de 100 litres d’eau par jour. Cette évaporation nécessite approximativement 70 kW (150 MJ) d’énergie solaire. L’énergie est absorbée par la vapeur d’eau et sera libérée à nouveau lorsque la vapeur se condensera en eau liquide. Pour évaporer un litre d’eau, il faut 2,5 MJ (0,7 kW) ; c’est la chaleur latente de transition de phase entre l’état liquide et l’état gazeux.
Lors d’une journée ensoleillée normale, un arbre transpire donc environ 100 litres d’eau, refroidissant son environnement de 70 kW : pendant 10 heures, l’arbre refroidit son environnement avec une puissance moyenne de 7 kW. À titre de comparaison, un système de climatisation dans un hôtel cinq étoiles a une puissance de 2 kW, les réfrigérateurs et congélateurs usuels sont dix fois moins puissants. De plus, un climatiseur, un réfrigérateur ou un congélateur réchauffent leur environnement avec la même capacité que ce qu’ils utilisent pour refroidir la zone intérieure sur laquelle ils agissent. Par contre, la vapeur d’eau dégagée par notre arbre chauffera les endroits frais où elle se condensera.
Encore plus extraordinaire est la capacité régulatrice d’un arbre et le devenir de l’énergie absorbée sous forme de vapeur d’eau. Une feuille dispose d’un certain nombre de pores (stomates) à travers lesquels passe l’eau et qui régulent la vitesse à laquelle celle-ci s’évapore (donc refroidit), en fonction de la quantité totale d’eau disponible et de l’intensité du rayonnement solaire. Un mm2 de surface de feuille contient environ 50 à 100 stomates. Chacun réagit à la température et à l’humidité de l’air environnant, et s’ouvre ou se ferme en conséquence. Chaque arbre contient donc des dizaines de millions de stomates – des valves de régulation efficaces dotées de capteurs de température et d’humidité. Pouvez-vous imaginer la quantité de câbles, de fils et de technologie sophistiquée dont nous aurions besoin pour réaliser un tel dispositif ?
La vapeur qui s’élève de l’arbre contient l’énergie solaire qui avait été absorbée, et quand celle-ci se déplace à travers la campagne, elle se condense à des endroits plus frais où elle libère donc la chaleur latente. De cette façon, l’énergie solaire circule dans l’espace et égalise les différences de température. Suivant les conditions extérieures, la vapeur d’eau peut se condenser le matin avec la rosée, ou lors de légères pluies matinales à travers lesquelles l’échange de chaleur latente réchauffe l’environnement. L’énergie solaire voyage ainsi non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps.
Avec ce bref aperçu de physique élémentaire, nous comprenons mieux la différence qui existe entre l’ombre d’un arbre et l’ombre d’un parasol ou d’un toit. La différence est énorme : un parasol ne réfléchit les rayons du soleil que passivement (selon la couleur de sa surface), un arbre, lui, les transforme activement en fraîcheur et en humidité. La seule chose dont l’arbre a besoin pour bien fonctionner est d’un arrosage occasionnel. De plus, un arbre à feuilles caduques poussant près d’une fenêtre perd ses feuilles à l’approche de l’hiver. Résultat : davantage de rayons de soleil arrivent à notre fenêtre et réchauffent passivement le bâtiment.
Un arbre nettoie l’eau, d’abord par le processus de distillation qu’est l’évaporation à travers les stomates, d’autre part par ses racines qui prennent des nutriments dans le sol et qui aident les organismes inférieurs qui captent d’autres substances dans l’eau.
Avec la gestion de l’eau et des plantes, nous agissons sur le climat de notre jardin et de ses environs immédiats. Avec le drainage artificiel et l’élimination de tout espace vert sur de grands espaces, notamment dans les villes et dans les champs, les hommes créent un climat désertique qui ne peut être compensé par aucun dispositif technologique. Cela est dû au fait que sur les surfaces sans végétation, la majeure partie du rayonnement solaire est convertie en chaleur qui réchauffe et dessèche l’environnement. Le rayonnement solaire qui atteint un petit jardin de 300 m2 pendant une journée d’été a une puissance de 300 kW, soit au total une énergie solaire d’environ 1500 à 1700 kWh par jour. Sur une surface sèche et sans végétation, cette énergie se convertit en chaleur. Mais, si la surface est couverte de végétation et alimentée en eau, plus de la moitié de l’énergie solaire est absorbée par la vapeur d’eau, et notre jardin pourvu d’arbres et d’autres végétaux se refroidit et son environnement évacue 100 kW. Il le fait sans bruit, accompagné par le chant des oiseaux, le parfum des fleurs et l’odeur des fruits mûrs. Si nous devions payer pour le fonctionnement d’un appareil rendant un service proche, cela nous coûterait environ de 150 à 300 euros par jour !
Nous disposons donc d’appareils de conditionnement de l’air efficaces à même d’atténuer le changement climatique mondial et de nous aider à lutter contre le réchauffement climatique, qu’il s’agisse d’épinettes, de chênes, de bouleaux, de pommiers, d’eucalyptus, de baobabs, de séquoias ou d’arbres de forêts tropicales couverts d’épiphytes ou de lianes .
Pour chaque molécule de dioxyde de carbone absorbée par un arbre ou une autre plante verte, une molécule d’oxygène est libérée dans l’air. En outre, les arbres libèrent d’autres substances organiques dans l’air, par exemple les terpènes qui sont bénéfiques pour le psychisme et peuvent agir comme antidépresseurs.
Jan Pokorný
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Photo : Iggyshoot CC via flickr