Le zaï Une technique traditionnelle sahélienne pour améliorer la rétention de l’eau dans les sols

, par  Larbi Bouguerra

Le zaï est une technique traditionnelle développée dans le Sahel pour améliorer la capacité de rétention de l’eau des sols, condition nécessaire pour contenir l’avancée du désert et pour assurer une production agricole suffisante.

Pluies et précipitations donnent quantité d’eau à la terre. Mais la quantité d’eau qui tombe du ciel n’est pas un indicateur sans faille de la possibilité ou non de productions agricoles. D’autres facteurs importent comme la répartition des précipitations dans le temps ou l’humidité de l’air. En Tunisie, la culture sèche des céréales (blé et orge) correspond assez exactement à l’isohyète de 400 mm et à la limite du drainage vers la mer. Dans ce pays, autour du Golfe de Gabès, dans les terrains sablonneux, les « précipitations occultes », c’est-à-dire la fixation directe de la vapeur d’eau par le sol, n’équivaut en effet qu’à quelques millimètres de pluie. Mais au Maroc, l’humidité de l’Océan est telle qu’elle permet une culture rentable jusqu’aux environs de l’ishoyète de 300 mm.

En Afrique du Nord, les pluies torrentielles – plus de 30 mm d’eau en 24 heures – sont en grande partie perdues pour l’agriculture. En zone soudano-sahélienne, les chutes d’eau se répartissent sur quatre à six mois dans l’année tout au plus. En outre, ces pluies tombent sous forme d’averses et, lorsqu’elles s’arrêtent, le soleil évapore rapidement l’eau qui reste en surface. Pour les paysans, le problème est donc de parvenir à capter l’eau, à la retenir et à la conserver pour en faire profiter les cultures. Le zaï a été développé au cours des âges comme l’une des solutions pour y parvenir. Il est particulièrement à l’honneur au Burkina Faso.

Cette méthode consiste à préparer très tôt dans la saison sèche une terre abandonnée, en creusant à la pioche en quinconce, c’est-à-dire en décalant chaque ligne de plantation par rapport à la précédente, tous les 80 à 100 cm, des cuvettes de 20 à 24 cm de diamètre et de 10 à 15 cm de profondeur, en rejetant la terre vers l’aval pour retenir les eaux de ruissellement. Au cours de la saison sèche, ces micro-bassins piègent des particules de terre et des matières organiques apportées par le vent du désert. Dès les premières pluies d’avril, les paysans déposent dans ces cuvettes de la poudrette de matière organique – mélange de fèces, de débris végétaux, de compost, de cendres, de résidus ménagers, séché au soleil puis pulvérisé –, ce qui attire les termites du genre Trinervitermes qui creusent des galeries au fond des cuvettes. Celles-ci se transforment ainsi en entonnoirs par lesquels l’eau de ruissellement s’engouffre, y créant des poches d’humidité en profondeur, à l’abri de l’évaporation rapide. Les familles peuvent ensuite semer dans les cuvettes.

Les paysans nigériens utilisent aussi une technique traditionnelle quasi abandonnée : le tassa. Fécondée par le zaï, la méthode nigérienne a été ressuscitée et a conduit à d’excellents résultats à Illéla et à Badeguichiri. En Afrique de l’Ouest, alors que généralement le millet donne moins de 350 kg par hectare, avec les trous zaï, on obtient entre 1000 et 2000 kg à l’hectare. Pour autant, la technique zaï n’est opérationnelle que dans les zones soudano-sahéliennes disposant de 300 à 800 mm de pluviométrie annuelle.

Les paysans savent aussi que l’apport combiné de fumier composté et d’une légère fertilisation minérale améliore cette technique traditionnelle au point d’augmenter nettement la production de céréales et de biomasse fourragère, réduisant ainsi l’insécurité alimentaire et la pression sur les terres cultivables trop fragiles.

Pourvu que l’on se donne la peine de regarder les méthodes traditionnelles ancestrales, il est possible d’en tirer de précieuses leçons quant à l’emploi des sols et de l’eau, ce qui garantit l’alimentation des populations et de leur cheptel.

SOURCE
 Extrait de Larbi Bouguerra, Les batailles de l’eau : pour un bien commun de l’humanité, Enjeux Planète, 2003.
 Voir aussi Gaëlle Dupont, « Au Burkina, la désertification n’est plus une fatalité », Le Monde, 18 juin 2008.

Post-scriptum (Olivier Petitjean, 2008)

Le zaï est un bon exemple de restauration et de valorisation des savoirs paysans ancestraux, puisque le procédé aujourd’hui appliqué est issu d’une méthode traditionnelle, enrichie et améliorée à travers une collaboration entre agronomes et organisations paysannes. Elle prouve qu’il est possible d’améliorer sa production sans recourir à des engrais ou des semences miraculeux – il y faut toutefois beaucoup de main d’œuvre, ainsi qu’un investissement initial pour acheter les pierres (certaines ONG oeuvrant dans la région apportent une aide sur ce point).

Le zaï comporte également une dimension de récupération des sols dégradés et de lutte contre la désertification, puisqu’il est souvent associé à la plantation d’arbres et d’arbustes.

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